«Je n'ai pas de conseil à donner à la Suisse», affirme dans un entretien à Keystone-ATS l'ambassadeur français à l'ONU à New York Nicolas de Rivière. Mais il lui suggère tout de même d'aborder sa prochaine arrivée dans l'organe exécutif de l'ONU pour «faire avancer» les réponses aux crises actuelles.
Après son élection, acquise étant donné qu'elle est seule avec Malte à briguer les deux sièges de membres non permanents du bloc d'Europe occidental, la Suisse siègera dès janvier prochain et présidera le Conseil en mai 2023. Nicolas de Rivière la met en garde contre une approche trop éloignée des situations chaudes. D'autant plus que Berne a une expertise dans la prévention et la réponse aux conflits. «Il y a une tendance à aborder des thématiques», déplore-t-il dans l'attitude de certains Etats qui arrivent à la présidence du Conseil. Et d'affirmer que l'organe est devenu parfois «un laboratoire de réflexion».
Pas exploités par des acteurs armés
S'il salue des initiatives qui ont permis d'éviter que des centaines de milliers d'enfants ne soient exploités par des acteurs armés, il souhaite que le Conseil de sécurité «se concentre sur son mandat». Et il faut trouver des compromis face aux crises pour montrer que celui-ci peut atteindre des avancées, alors que les cinq grandes puissances, dont son pays, ne vont elles pas renoncer pas au droit de veto, dit-il encore.
Saluant l'application des sanctions suisses contre la Russie, il appelle Berne à faire preuve de la même attitude au Conseil. La neutralité «ne doit pas être vue comme une équidistance», affirme Nicolas de Rivière. Or, «les situations ne sont souvent pas vraiment ambigües», ajoute-t-il, mentionnant la guerre russe en Ukraine.
Alors que la Russie a opposé son droit de veto au Conseil sur la réponse à son offensive, il estime que cette crise ukrainienne remplira probablement largement les deux ans de mandat suisse. Et d'appeler encore à trouver une solution pour un apaisement durable dans la région.
Pas la marge de manœuvre suisse
Selon l'ambassadeur français, les sanctions contre Moscou n'affecteront pas la marge de manoeuvre suisse. «Les Russes portent préjudice» à la communauté internationale, relève-t-il tout en appelant à continuer à leur parler. Malgré des demandes répétées, l'ambassadeur russe Vassili Nebenzia n'a pas souhaité relayer auprès de Keystone-ATS l'analyse de son pays sur l'arrivée prochaine de la Suisse au Conseil.
Plus largement, la France a porté une proposition de code de conduite qui demanderait aux membres permanents de ne pas utiliser leur veto en cas d'atrocités de masse. Une initiative soutenue par plus de 100 États dont la Suisse. «Bien meilleure» que celle, que le Liechtenstein a fait aboutir, de devoir justifier celui-ci devant l'Assemblée générale de l'ONU mais «qui ne change pas grand-chose».
Problème, les États-Unis, la Russie et la Chine ne veulent pas de la proposition sur les atrocités de masse. «Nous allons continuer» à la défendre, ajoute Nicolas de Rivière, mentionnant une «prise de conscience» que chaque acteur peut être poursuivi à terme pour des exactions. La France et l'Allemagne pourraient aussi relancer leur Alliance pour le multilatéralisme. «La Suisse aura toute sa place» dans ce cadre, selon l'ambassadeur.
La France, qui a mis en avant au Conseil des thématiques chères à la Suisse comme les questions humanitaires ou le multilatéralisme, souhaite collaborer avec Berne. M. de Rivière a rencontré son homologue suisse Pascale Baeriswyl, «une diplomate d'expérience». «Nous connaissons la qualité et le professionnalisme» de la mission suisse, ajoute-t-il. Il voit en la Suisse un allié européen qui fera suite, selon lui, un peu à la Norvège dans son approche dans l'organe onusien.
(ATS)