Soupçons de trafic d'influence et de corruption
Pedro Sánchez pense à démissionner après l'ouverture d'une enquête contre son épouse

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez envisage de démissionner suite à l'ouverture d'une enquête pour corruption visant son épouse. Une plainte d'une association proche de l'extrême droite en serait la cause.
Publié: 24.04.2024 à 20:26 heures
Pedro Sanchez devrait annoncer sa décision lundi (archives).
Photo: OLIVIER HOSLET

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé mercredi, dans une lettre publiée sur X, «réfléchir» à une éventuelle démission. Cela après l'annonce de l'ouverture d'une enquête contre son épouse pour trafic d'influence et corruption. «J'ai besoin de m'arrêter et de réfléchir» afin de décider «si je dois continuer à être à la tête du gouvernement ou si je dois renoncer à cet honneur», a-t-il écrit, en indiquant qu'il annoncerait sa décision lundi devant la presse et suspendait ses activités d'ici là.

Cette enquête préliminaire contre Begoña Gómez a été ouverte le 16 avril après une plainte de l'association «Manos limpias» (Mains propres), un collectif considéré comme proche de l'extrême droite, a annoncé dans un court communiqué le tribunal supérieur de justice de Madrid. Elle est placée sous le sceau du «secret de l'instruction», a ajouté le tribunal.

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Dans sa lettre, Pedro Sánchez, au pouvoir depuis 2018, dénonce une plainte basée sur des faits «inexistants» et une campagne de «harcèlement» menée par des médias «ultraconservateurs» et soutenue, selon lui, par l'opposition de droite et d'extrême droite contre son épouse. «Je ne suis pas naïf», dit-il, «je suis conscient du fait qu'ils portent plainte contre Begoña, non pas parce qu'elle a fait quelque chose d'illégal, car ils savent bien que cela n'est pas vrai, mais parce qu'elle est mon épouse».

Selon le média en ligne El Confidencial, qui a révélé l'information, cette enquête porte en particulier sur les liens de Begoña Gómez avec avec le groupe espagnol de tourisme Globalia, propriétaire de la compagnie aérienne Air Europa, à un moment où cette dernière était en pourparlers avec le gouvernement pour obtenir des aides face à la lourde chute du trafic aérien provoquée par la pandémie de Covid. À l'époque, Begoña Gomez dirigeait IE Africa Center, une fondation liée à l'école de commerce madrilène IE University, poste qu'elle a quitté en 2022.

Un sauvetage de 475 millions en jeu

Selon El Confidencial, IE Africa Center avait «signé un accord de parrainage avec Globalia en 2020» et Begoña Gomez aurait participé à «une réunion privée avec son PDG Javier Hidalgo à l'époque où Globalia négociait son plan de sauvetage de plusieurs millions d'euros avec le gouvernement» de Pedro Sánchez.

Ce plan a permis à Air Europa de toucher 475 millions d'euros en novembre 2020, issus d'un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la crise sanitaire. La compagnie espagnole a été la première entreprise à bénéficier de ce fonds. Des dizaines d'autres ont suivi, dont plusieurs de ses concurrents (Iberia, Vueling, Volotea...).

«Tout finira par se savoir»

L'opposition de droite a appelé mercredi le Premier ministre à «donner des explications aux Espagnols», par la voix d'Ester Muñoz, membre de la direction du Parti Populaire (PP, droite). «Tout finira par se savoir», a prévenu un porte-parole du parti, Borja Semper.

Plusieurs des proches du Premier ministre sont montés au créneau mercredi, accusant la droite de manipuler la justice à des fins politiques. Il y a «une stratégie qui consiste à lancer des accusations sans aucun fondement, sans aucune information véridique, sans aucune preuve, juste pour blesser, juste pour salir» et «diffamer», a dénoncé le président du groupe socialiste à la Chambre des députés, Patxi Lopez.

Le PP «utilise une fausse accusation d'une organisation d'extrême droite pour diffamer et lancer des calomnies» envers le Premier ministre, a insisté la numéro deux du gouvernement, Maria Jesus Montero. «Nous ne permettrons pas à ces pratiques trumpistes de miner la démocratie espagnole», a-t-elle ajouté.

Manos limpias, collectif fondé en 1995, a été à l'origine ces dernières années de plusieurs poursuites judiciaires et s'est portée partie civile dans de nombreux procès pour des affaires de corruption. Le collectif est considéré comme proche de l'extrême droite, en raison notamment de la personnalité de son fondateur Miguel Bernad, ancien responsable du parti Frente Nacional, dissous en 1993.

Accusé d'être impliqué dans un réseau d'extorsion de fonds, ce dernier avait été condamné à quatre ans de prison en juillet 2021, mais a été finalement relaxé en appel le mois dernier, faute de preuve selon le tribunal.

(AFP)

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