A 10 ans à peine, Joyce ne doit pas traîner dehors et évite de parler trop fort. A 10 ans à peine, Joyce se doit toujours d’avoir un titre de transport valable lorsqu’elle prend le bus. A 10 ans à peine, Joyce doit renoncer à avoir accès aux soins dont elle aurait peut-être besoin. A 10 ans à peine, Joyce sait faire profil bas, les autorités ne doivent pas découvrir son identité, c’est une question de survie. En effet, l’enfant d’origine brésilienne vit à Genève clandestinement.
Dans ce deuxième épisode du podcast «Face au miroir», animé par Johan Djourou et coproduit par Blick, Joyce, qui a aujourd’hui 35 ans, parle de sa vie clandestine en Suisse et se livre sur son parcours semé d’embûches.
Mature trop tôt
Alors qu’elle vient tout juste de rejoindre sa mère en Suisse, Joyce n’a pas le choix, elle prend soin de ses frères et sœurs. «Ma mère partait au travail à 6h00 et revenait à 23h00. Je devais donc me charger du ménage», confie-t-elle.
Si les autres petites filles de son âge jouent encore à la poupée, Joyce, elle, s’improvise maman: elle fait la lessive, prépare à manger et rate même parfois l’école pour s’occuper de sa petite sœur malade. En a-t-elle voulu à sa mère pour cette enfance volée? Pas le moins du monde: «Je n’ai jamais eu une relation proche avec ma mère. Mais je savais qu’elle n’avait pas le choix». Malgré tout, la Brésilienne est plutôt studieuse. En a peine trois mois, elle parle le français à la perfection et surtout, elle se sent comme à la maison.
Une adolescence passée dans la rue
Un jour, sa mère trouve l’amour et décide d’emménager en France voisine. Néanmoins, Joyce refuse d’être déracinée de ce pays qu’elle aime et dans lequel elle s’est bizarrement toujours sentie chez elle. Peu à peu, elle se détache, laisse les corvées de ménage à sa petite sœur et s’en va vivre chez son copain avec qui elle restera trois ans.
A 17 ans, Joyce se retrouve dehors. Elle squatte le hall de quelques immeubles et mange parfois à l’Armée du salut. «Heureusement, j’avais des copines super chez qui j’ai pu dormir, prendre des douches ou encore manger».
Une fois majeure, elle décide de retourner au pays avec l’espoir de commencer une vie, une vraie, sur place. Déception, Joyce ne se sent pas chez elle. Elle veut revenir. Et là, le déclic: Joyce rentre en Suisse et se jure de tout faire pour être en règle.
Se marier pour les papiers une fois adulte: jamais!
Et un peu comme si le destin et Cupidon avaient scellé un pacte, Joyce trouve l’amour lorsqu’elle revient à Genève. Mais se marier ou rester avec un homme tout ça pour dire bye bye à son statut de clandestine, c’est hors de question. Joyce est amoureuse, oui. Mais elle veut obtenir ses papiers par elle-même: «Je refusais de devenir le cliché de la Brésilienne qui se marie avec un Suisse pour les papiers. Surtout, j’estimais que j’avais le droit d’être en règle. J’étais chez moi».
Aujourd’hui maman de deux enfants, Joyce a récemment fait un de ces fameux tests ADN à la demande de sa fille. Le résultat s’est avéré plutôt… étonnant: «Apparemment, je serais 1% Suisse et pas du tout Brésilienne», s’amuse-t-elle.
L’histoire de cette enfant qui a dû s’armer de patience et d’énormément de courage pour prétendre au droit de rester «chez elle» force l’admiration.