Les Suisses n'ont pas voulu voir disparaître 250 millions de francs chaque année des caisses de l'Etat. A droite, on estime que les votants n'ont pas compris les enjeux d'«un scrutin technique». A gauche par contre, on est sûr qu'ils ont saisi que moins d'impôt signifie moins d'argent pour la population.
«Après la réforme de l'imposition des entreprises (RIE III) et la réforme de la taxation des familles, qui jouait en faveur des super-riches, c'est la troisième votation sur des sujets similaires que nous gagnons», s'est félicité le vice-président du PS Suisse, Samuel Bendahan, interrogé par Keystone-ATS.
Même si les Suisses ont dit non dimanche, ils n'en ont pas terminé avec les sujets fiscaux, puisque d'autres suppressions sont dans le pipeline de la Berne fédérale, comme celle de l'impôt anticipé, a-t-il poursuivi.
Celle-ci entraînerait des pertes «bien pires», selon le socialiste, que celles liées au droit de timbre, de l'ordre du milliard de francs avec des diminutions récurrentes d'environ 200 millions par an.
Débat sur la répartition des ressources
Pour le président de l'Union syndicale suisse (USS), Pierre-Yves Maillard, un débat plus large sur la répartition des ressources s'amorce après celui sur la suppression du droit de timbre. Et les Suisses sont tout à fait en mesure de comprendre les enjeux.
«La population n'apprécie pas beaucoup que, d'une main, les partis de droite prennent dans la caisse pour des milieux qui sont déjà bien servis et que, de l'autre main, ils coupent dans la prévoyance vieillesse par exemple, a-t-il dit. Cette contradiction devient aussi insupportable pour beaucoup d'électeurs du centre et de la droite».
Travail.Suisse estime pour sa part que le Conseil fédéral devrait cesser le dumping fiscal et prendre au sérieux l'impôt minimum de 15% de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Au sein de la population, on a le sentiment que les personnes physiques doivent tout déclarer, alors que les groupes réalisant des milliards de bénéfices peuvent être déchargés d'un montant relativement faible, a poursuivi la faîtière.
Droite: une occasion manquée
Avec la pandémie, le débat est plus frontal, plus rugueux, estime Olivier Feller, vice-président du groupe PLR aux Chambres fédérales. Dans ce contexte, la population n'a pas été encline à supprimer un impôt, «craignant une perte fiscale, même si celle-ci ne représente que 0,3% des recettes totales de la Confédération».
Avec le maintien du droit de timbre, «ce sont surtout les entreprises innovantes, les PME, qui seront privées d'allègements fiscaux ces prochaines années, lorsqu'elles auront besoin de capital», a déclaré le conseiller national vaudois, membre du comité en faveur de la suppression du droit de timbre.
Nombreux allègements fiscaux en vue
Pour la directrice d'Economiesuisse, Monika Rühl, le maintien du droit de timbre est une occasion manquée. «Il faut reconnaître qu'il est difficile d'expliquer des sujets fiscaux au grand public», a-t-elle déclaré.
Concrètement, la faîtière va s'engager «très fortement» pour faire passer la réforme de l'impôt anticipé, qui sera probablement soumise au vote en septembre si le référendum du PS aboutit.
L'introduction du taux d'imposition minimal exigé par l'OCDE fera perdre un important avantage compétitif, poursuit la faîtière. «Nous devons donc supprimer des désavantages concurrentiels: l'abolition du droit de timbre d'émission aurait en l'occurrence constitué un signal positif.»
Pour Hans-Ulrich Bigler, directeur de l'Union suisse des arts et métiers (USAM), les partis bourgeois, à l'exception du PLR, n'ont pas suffisamment soutenu le projet. En ce qui concerne les droits de timbre, il n'y aura rien de nouveau à entreprendre dans un avenir proche, selon lui.