Sanctions internationales
Berne doit pouvoir prendre des sanctions de manière autonome

Le Conseil fédéral doit pouvoir prendre ou prolonger des sanctions internationales de manière autonome. Le National a approuvé jeudi, par 136 voix contre 53, une révision de la loi sur les embargos.
Publié: 09.06.2022 à 12:30 heures
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Dernière mise à jour: 09.06.2022 à 12:32 heures
Après le Conseil des Etats, le National a aussi accepté de permettre au Conseil fédéral de prendre des sanctions de manière autonome (archives).
Photo: PETER KLAUNZER

Le Conseil fédéral doit pouvoir prendre ou prolonger des sanctions internationales de manière autonome. Le National a approuvé jeudi, par 136 voix contre 53, une révision de la loi sur les embargos.

Les sanctions du Conseil fédéral, ou plutôt leur absence, ont fait couler beaucoup d'encre. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Etats occidentaux ont rapidement pris des mesures sévères à l'encontre de la Russie. La Suisse a suivi plus lentement, sans systématiquement s'aligner. Berne a alors été vertement critiquée.

Seule une reprise autorisée

Le problème réside, selon le gouvernement, dans la loi sur les embargos en vigueur depuis 2003. Actuellement, la Suisse ne peut que reprendre des mesures décrétées par l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou encore ses principaux partenaires économiques.

S'il veut aller au-delà, le Conseil fédéral doit s'appuyer sur la Constitution. Une procédure qu'il a empruntée après l'annexion de la Crimée par Moscou. En 2015, il a interdit l'importation des armes à feu, de leurs composants, des munitions et des matières explosives par la Russie et l'Ukraine. Des mesures prolongées en 2019.

De telles ordonnances, limitées à quatre ans, ne peuvent toutefois être prolongées qu'une seule fois. Elles deviennent caduques si un projet établissant une base légale n'est pas présenté six mois après l’entrée en vigueur de leur prorogation.

Etats, personnes et entités

Le Conseil fédéral s'est donc mis à l'ouvrage. Le projet sur la table date d'avant l'invasion de l'Ukraine en février 2022. Il visait principalement à maintenir les premières interdictions décrétées. Le gouvernement en a profité pour régler le problème des sanctions plus généralement dans la loi sur les embargos.

Avec la réforme, il peut prendre lui-même des mesures de coercition, lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l'exige. Contre des Etats, mais aussi des personnes et des entreprises. Suivant les sénateurs, les députés ont largement accepté de lui donner cette marge de manoeuvre supplémentaire, à condition toutefois que les entreprises suisses ne soient pas désavantagées.

Une exigence contestée par la gauche et les Vert'libéraux. «La précision est superfétatoire, car les intérêts du pays doivent déjà être garantis», a pointé Claudia Friedl (PS/SG). «La formulation pourrait en outre renforcer le préjugé que la Suisse cherche à profiter de la non-mise en oeuvre ou la mise en oeuvre moins stricte des sanctions. Cela nuirait à l'image de la Suisse», a également plaidé le ministre de l'économie Guy Parmelin. Sans succès.

Graves violations des droits humains

Le National a même été plus loin que les sénateurs. Les personnes ou les entités, impliquées dans des violations du droit international humanitaire ou des droits humains ou dans toute autre forme d'atrocités, pourront également être sanctionnées. La décision est tombée par 107 voix contre 82, au grand dam de l'UDC et du PLR.

«Une telle mesure constituerait un changement radical de la politique suisse en matière de sanctions», a aussi tenté d'opposer Guy Parmelin. «Les sanctions unilatérales n'ont qu'une portée limitée. Elles sont plus efficaces si elles sont largement partagées.» Son soutien n'a pas fait pencher la balance.

Le Conseil fédéral devra toujours décider des sanctions, a rappelé Elisabeth Schneider-Schneiter (C/BL). «Nous sommes convaincus qu'il utilisera cet instrument de manière responsable.»

Neutralité en question

Craignant pour la neutralité helvétique, le parti national-conservateur avait plus tôt tenté en vain de rejeter en bloc la révision, puis d'en systématiquement réduire sa portée. «Les sanctions sont des armes de guerre», a critiqué Yves Nidegger (UDC/GE). «Elles font de la Suisse une partie au conflit», a complété Roger Köppel (UDC/ZH).

«La neutralité signifie que toutes les parties au conflit, et non pas la seule Ukraine, considèrent la Suisse neutre. Or la Russie a inscrit la Suisse sur la liste de pays hostiles», a continué le Zurichois. Et de s'inquiéter d'une escalade: après les sanctions, des munitions et des armes pourraient être livrées. Puis des experts se rendre sur place pour former les soldats ukrainiens.

«La révision proposée respecte la neutralité de la Suisse et renforce sa cohérence politique en matière de sanctions», leur a opposé Laurent Wehrli (PLR/VD) pour la commission. «Le Conseil fédéral n'édicterait jamais des sanctions qui iraient à l’encontre de la neutralité de la Suisse«, a complété Guy Parmelin.

Plusieurs orateurs de gauche comme de droite ont également souligné l'importance de pouvoir prendre des sanctions autonomes pour la souveraineté du pays. «Elles permettent d'augmenter notre capacité d'agir», a précisé Elisabeth Schneider-Schneiter. L'UDC a échoué sur toute la ligne. Le projet repasse au Conseil des États.

(ATS)

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