La bourgade vallonnée de Pontida, près de Bergame (nord), a été envahie par une marée de drapeaux aux armes des riches provinces du nord, la Vénétie, la Lombardie, le Piémont, le Frioul, le Trentin, le Haut-Adige.
Y flottaient aussi les couleurs de la Calabre, de la Sicile et de l’Union générale du travail (UGL), fondée en 1996 sur les cendres du syndicat néo-fasciste CISNAL.
«Je vois aussi des drapeaux de la Sicile et de la Toscane. Ce ne sont pas des régions contre les autres, c’est l’Italie qui espère, qui rêve et qui regarde de l’avant», a lancé Matteo Salvini.
Ils étaient 100’000, selon la Ligue, venus pour beaucoup dans des bus spécialement affrétés par le parti pour écouter «Il Capitano». Les vendeurs de bière côtoyaient les stands de T-shirts et de gadgets estampillés «Salvini» ou «Les Italiens d’abord».
Grande messe annuelle de l’extrême droite
C’est à Pontida depuis 1990 que se tient la grand-messe annuelle du mouvement d’extrême droite, car y serait née en 1167 la Ligue lombarde, alliance de villes du nord contre l’empereur Frédéric Barberousse. Le rendez-vous était suspendu depuis 2020 à cause de la pandémie.
Salvini a salué le vote des Suédois qui «ont renvoyé la gauche à la maison» en votant pour la droite alliée à l’extrême droite. Aux Etats-Unis, «si au lieu de Biden ça avait été Trump, les choses seraient différentes, mais le vote est sacré, les Américains ont choisi, c’est la démocratie», a-t-il également dit.
Il a rappelé les six priorités de la Ligue: endiguer la flambée des prix de l’énergie et développer le nucléaire civil, faire avancer l’autonomie des régions, instaurer l’impôt à taux unique, garantir la retraite à 41 annuités, stopper les débarquements de migrants en Méditerranée, réformer la justice.
Il a proposé la suppression de la redevance de l’audiovisuel public, défendu «le choix ultime de la femme» confrontée à l’avortement mais estimé, au nom des «valeurs traditionnelles», qu’un «papa est un papa, et une maman est une maman».
Alliance avec un parti post-fasciste
La Ligue fait partie de la coalition formée avec Fratelli d’italia (FdI), parti post-fasciste dirigé par Giorgia Meloni, et Forza Italia (droite) de Silvio Berlusconi, donnée favorite aux législatives du 25 septembre.
FdI est crédité de 24,4%, la Ligue de 12,1% et Forza Italia de 7,8%, selon les derniers sondages sortis début septembre avant leur interdiction pendant les deux semaines précédant un scrutin.
Pour la Ligue, ce serait un net recul par rapport aux législatives de 2018 où le parti avait fait plus de 18%, et surtout par rapport aux Européennes de 2019 où elle avait triomphé avec 34,3% des suffrages.
Salvini paye le prix de la participation de la Ligue aux gouvernements qui se sont succédé depuis 2018, alors que FdI est resté dans l’opposition.
Certains sympathisants «ne lui ont pas pardonné et sont partis» chez Meloni, expliquait dimanche à l’AFP Anna Valdotta, une militante venue à Pontida. Cette retraitée de 67 ans reste néanmoins fidèle à Salvini, qu’elle compare à «un lion qui descend dans l’arène».
Pour Stefano, un facteur de 27 ans, «Meloni a un leadership fort» et «ce n’est pas que Salvini a perdu des voix, c’est que Meloni en a gagné».
Sous l’impulsion de Salvini, la Ligue, alliée du Rassemblement national de Marine Le Pen en France, a mis en sourdine les diatribes contre Rome et l’opposition nord/sud.
Linchage des pays nord-européens
Pour l’ancien sécessionniste lombard, l’adversaire est d’abord l’axe Bruxelles-Paris-Berlin et son diktat financier et migratoire. Il a fustigé cette «Europe qui fait la guerre aux agriculteurs et aux pêcheurs italiens» et prend ses ordres des pays du nord de l’Europe au détriment des pays du sud. Il a été bruyamment acclamé aux cris de «Matteo, Matteo!».
Non loin de Pontida, à Monza, le chef du Parti démocrate (PD), Enrico Letta, tenait meeting lui aussi.
«Pontida aujourd’hui est une province de Hongrie», a ironisé Letta en référence à la proximité politique de l’extrême droite italienne avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Le PD arriverait seulement en seconde position le 26 septembre avec 21% des voix et ne dispose d’aucun appui significatif à gauche et au centre.
(ATS)