Après les votations de ce dimanche
Il faut réconcilier de toute urgence une Suisse divisée en deux

Jamais la Suisse n'avait été pareillement divisée. On ne parle pas ici de Röstigraben, mais d'une fracture entre le peuple et les élites. Attention, c'est une pente glissante, écrit le rédacteur en chef de Blick.
Publié: 13.06.2021 à 20:40 heures
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Dernière mise à jour: 10.08.2021 à 22:04 heures
Photo: imago images/Andreas Haas
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Michel JeanneretRédacteur en chef

C'est une fracture qui n'était que rampante jusqu'ici. On connaissait déjà le Röstigraben, on avait mesuré la division entre les villes et les campagnes, mais voilà qu'un autre fossé vient de faire son apparition à l'issue de votations qui resteront dans les mémoires: celui qui sépare le peuple des élites, le premier ne se reconnaissant manifestement plus vraiment dans les secondes.

La loi Covid est l'exemple le plus frappant de cette nouvelle division. Son approbation par 60% des citoyennes et des citoyens est certes confortable, mais il n'est pas inutile de renverser la perspective pour considérer que quatre personnes sur dix l'ont balayée d'un revers de main. Sachant que ces personnes ne contestaient probablement pas l'idée d'un soutien aux victimes de la crise, c'est à l'endroit du Parlement, institution garante de notre démocratie, que les partisans du «non» ont exprimé leur défiance. Peut-être même leur méfiance.

Une population qui semble ne plus espérer

Le refus de la loi CO2, véritable électrochoc de ces dernières votations, suit un mécanisme connexe. Même s'il l'a fait du bout des lèvres, le peuple a clairement voté en croyant protéger son portemonnaie, donnant du crédit aux plus vulgaires raccourcis affirmant que la vie allait coûter plus cher et que les libertés individuelles allaient s'en trouver restreintes. Alors que tous les partis soutenaient la loi en dehors de l'UDC, une majorité confortable aurait dû être acquise, mais les élites (PLR en tête) ont là encore failli à leur mission de conviction.

Plus inquiétant, il semblerait que l'espoir quitte peu à peu la population suisse. On parle ici de l'espoir d'un monde meilleur pour les générations futures qui était porté par les initiatives anti-pesticides et la loi CO2, toutes deux refusées. Or l'espoir constitue le fondement de la démocratie, fatalement plus fragile dès lors qu'il semble s'évanouir.

Dans notre société aux individualismes exacerbés, où l'on doute de tout et de tout le monde, la classe politique va devoir se rapprocher des préoccupations du peuple, ce compagnon qu'elle semble avoir égaré en chemin. Elle va devoir lui parler de manière plus claire et surtout le réenchanter. Pour que le doute en nos institutions s'estompe et que renaisse la perspective d'un avenir prometteur sur lequel nous aurions encore une influence.

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