Mon fils et moi avons passé un dimanche difficile. Les dimanches de votations sont toujours difficiles. Quelques mots lancés sur un plateau de télévision. Parfois en présence de ma famille, parfois sans. Expliquer à mon rayon de soleil que je préférerais qu’il n’apparaisse pas à l’écran. Ou laisser ce petit coquin à la maison. Mais ce dimanche était encore plus difficile que les autres. «Maman, qu'est-ce que tu fais?» Oui, qu'est-ce que je fais, au juste? J'essaie d'expliquer pourquoi l'avenir de la planète a été piétiné.
Pour certains, c'est la faute de Simonetta Sommaruga. Pour d'autres, le résultat de la mauvaise campagne menée par le camp du «oui». Pour d'autres, encore, la responsabilité du PLR. Pour d'autres, toujours, la combinaison des éléments et le peu de campagne menée sur le terrain, dans les rues, aux tables des bistrots et dans les grands rassemblements. A cause du coronavirus. Il faut encore relever que les dieux du ciel n’ont pas joué le jeu. Ce printemps très froid n'a guère contribué à attirer l'attention sur le réchauffement de la planète, même si nous savons tous (ou devrions savoir) que la météo et le climat sont deux choses différentes.
Mais on peut tourner la chose dans tous les sens. Le projet de loi sur le CO2 a échoué. Un échec, même de justesse, reste un échec. Et peu importe qui accuse qui. Si beaucoup de gens sont désabusés, moi, je suis vraiment triste. Déçue et en colère, aussi. Non pas que je pensais que le projet de loi était particulièrement bon, mais parce qu’il était particulièrement important. C'était un compromis durement gagné. Le minimum pour le climat.
J'ai donc passé tout mon dimanche à repenser à la soirée où Christian Imark (UDC/SO) est apparu dans l’émission «Arena» - l’équivalent alémanique d’«Infrarouge». Il a tordu les chiffres. Il a passé une bonne heure à expliquer aux Alémaniques que la facture était superflue et trop coûteuse. Bien sûr, il a été contredit - et à juste titre. Mais il a été le gagnant de la soirée. C’était il y a déjà un mois. Et maintenant, il a gagné avec l'UDC dans les urnes. Un contre tous. Un contre le climat.
Oui, il y a eu des exceptions. Les grandes villes ont accepté le projet de loi. Une fois encore, la Suisse romande s’est montrée plus progressiste que la Suisse alémanique. J'aurais préféré être à Lausanne le dimanche du vote plutôt que chez moi, à Oberflachs. La seule chose qui semble rester en suspens, c'est la pluie qui, pourtant, tombe sur le village que les tensions autour des initiatives agricoles ont mis sens dessus dessous. Mais le climat, lui aussi, a été laissé en suspens.
Et c'est bien là le problème. Il ne sert à rien de blâmer les autres. Il ne sert à rien de pointer du doigt le résultat serré, ou d’invoquer la fraîcheur de ce printemps. Au final, nous avons coulé la loi sur le CO2. Et avec elle, nous-mêmes. Car au final, seul le climat a perdu dimanche. Et dans son naufrage, nous avons tous perdu. Surtout mon fils.
Bien sûr, nous continuons à nous battre. Nous devons. Parce que nous le devons plus que jamais à nos enfants. Mais je reste en colère. Contre moi-même et contre nous-mêmes. Parce que je l'ai vu venir, la première fois que Christian Imark a quitté le terrain en vainqueur. Dimanche, il a gagné une deuxième fois. Dans les urnes, pas seulement devant la caméra. Et comme beaucoup d'entre nous, je ne voulais pas y croire. C'est maintenant une réalité. Pas un seul problème n'a été résolu et nous manquons de temps. Donc pour Elija et tous nos enfants... restez debout et continuez à vous battre.