La chronique d'Irène Kälin
«Voici pourquoi j'ai décidé d'aller en Ukraine»

La première citoyenne du pays s’apprête à être sous le feu des projecteurs ces prochains jours avec une visite officielle à Kiev, capitale d’un pays en guerre. Dans sa chronique pour Blick, Irène Kälin explique pourquoi ce voyage est particulièrement important.
Publié: 26.04.2022 à 15:41 heures
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Dernière mise à jour: 26.04.2022 à 15:42 heures
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Représentante des Verts et du canton d'Argovie, Irène Kälin est la première citoyenne du pays durant l'année 2022.
Photo: Keystone
Irène Kälin, présidente du Conseil national

Je suis en route pour l’Ukraine. J’ai été invitée par le président du Parlement ukrainien, et j’ai décidé d’y répondre favorablement. Comment aurait-il pu en être autrement? En ces temps horribles de guerre au cœur de l’Europe, afficher ma solidarité et mon humanisme sur place, c’est le minimum que je puisse faire.

Cette guerre nous concerne tous. Elle est dirigée contre nos valeurs communes. Elle constitue une attaque contre la paix, la sécurité, la démocratie et les droits humains. Elle ne fait pas que piétiner le droit international: elle l’attaque à grand renfort d’armes lourdes. Elle est également la cause de la fuite de 40’000 Ukrainiennes et Ukrainiens qui ont trouvé refuge dans notre pays. Elle a mis cinq millions de personnes sur les routes de l’exil. Cinq millions.

Oui, elle est aussi la raison pour laquelle le prix de l’essence et du diesel atteignent des sommets. Et que les livraisons de voitures ne sont plus possibles. Mais elle a surtout plongé des gens dans la famine. Et provoqué des morts. De soldats, mais pas seulement: enfants, femmes, hommes — tout le monde est concerné.

La cause, c’est le président russe, qui a décidé cette guerre d’invasion et qui la pilote.

Je ne fais que mon devoir

Si je me rends à Kiev, c’est aussi parce que les mots de mon homologue ukrainien m’ont touchée. Voici ce que Rouslan Stefantchouk, président de la Rada, a écrit:

«I am sure that no civilized politician, for whom true human values ​​are not election slogans only, would remain indifferent after witnessing today's Ukraine, and some may even dedicate their lives for fighting such manifestations of aggression around the world.

I am convinced that your visit will be another proof of solidarity with our country and its support in this difficult time of struggle against the aggressor for independence and democratic values.»

(«Je suis sûr qu’aucun politicien civilisé, pour qui les valeurs humaines dépassent les slogans électoraux, ne resterait indifférent face à l’Ukraine d’aujourd’hui. Certains seraient même prêts à dédier leur vie pour combattre ces agressions.

Je suis convaincu qu’une visite de votre part constituerait une nouvelle preuve de solidarité avec notre pays, ainsi qu’un soutien en cette période difficile de lutte pour sauver notre indépendance et nos valeurs démocratiques face à un agresseur.»)

Je n’ai pas eu besoin de tergiverser avant d’accéder à cette requête. J’estime qu’en tant que présidente du Conseil national, je ne fais que remplir ma tâche. C’est mon devoir de première citoyenne du pays, même, de témoigner sur place à Kiev de la solidarité que je perçois et que je vis au quotidien de la part des Suissesses et des Suisses.

En tant que politicienne, je veux montrer que nous nous placerons toujours et sans conditions du côté du droit international et que nous assumerons notre mission humanitaire. Il est important, à ce titre, de pouvoir se forger une image de la situation sur place et de la ramener en Suisse.

Cette décision a été facile à prendre également en tant qu’être humain. Parce qu’il est évident que mon cœur bat pour nos frères et soeurs ukrainiens. Notre coeur devrait toujours battre pour les victimes de la guerre, de la brutalité et de ces destructions inutiles et insensées. J’admire le courage et la force avec lesquels les Ukrainiennes et Ukrainiens combattent. Pour nos valeurs. Et avec ce que l’on a de plus cher en tant qu’humain: leur propre vie.

Je n'ai pas peur pour ma sécurité

Bien sûr, en tant que jeune femme qui n’a jamais connu autre chose qu’un pays en paix, je me serais bien passé d’aller dans un pays en guerre. Encore plus en étant mère d’un petit garçon et alors que je ne peux pas retenir mes larmes face aux images tragiques des téléjournaux. Je ne sais pas si j’arriverai à résister à l’horreur de cette guerre. Je ne sais pas si j’arriverai à la supporter. Rien que de savoir que c’est la réalité, c’est déjà assez difficile.

Mais non, je n’ai pas peur que «l’Ukraine abuse de moi à des fins de propagande», comme le suggèrent certains médias. Je n’ai pas non plus peur pour ma propre sécurité. J’ai peur que cela me bouleverse en tant qu’être humain, oui, mais je pense que c’est une bonne chose. Parce qu’en fin de compte, derrière chaque élu(e) et chaque responsable officiel, il y a un être humain. Et c’est exactement de cette humanité dont l’on a plus que jamais besoin. Nous toutes et tous. Car si cette humanité l’emporte, alors c’est que l’appel à la paix sera entendu. Et la paix deviendrait alors la réalité.

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