Je suis de retour d’Ukraine. Mais ça, vous le savez, chères lectrices et lecteurs de ma chronique. Tous les médias du pays, des deux côtés du Röstigraben, ont parlé de ce voyage. Et même si j’ai dû encaisser pas mal de choses (en vrac: sur une prétendue mise en scène, sur mes bottes, sur la neutralité, sur mes pantalons, sur Blick TV…), je suis tout de même contente de cette couverture médiatique. Parce que la transparence et la liberté de la presse sont des piliers fondamentaux d’une démocratie. Et, c’est malheureux à dire, il a fallu les affres de la guerre pour nous rappeler ô combien la démocratie est précieuse et à protéger.
En Russie, il n’y a ni transparence ni liberté de la presse. Il n’y a même pas la liberté d’opinion. Or, aujourd’hui, un pays est obligé de se défendre avec des armes contre l’agresseur russe. Parce que, en tant que pays souverain, il a choisi la voie de la démocratie, d’une société à l’européenne et s’est engagé en faveur de la communauté de valeurs européenne. Et c’est pour cette raison que cette guerre nous concerne tous. Pas seulement parce qu’il y a une guerre d’agression sur le continent, mais parce que celle-ci est dirigée directement contre nous.
C’est une attaque envers nos libertés, notre sécurité et notre démocratie. Mais les Ukrainiens résistent. Ils engagent leur vie pour défendre leur pays, leur liberté mais aussi nos valeurs. Aussi brutale que soit cette guerre, avec toutes les douleurs qu’elle génère, il est fascinant de voir avec quel courage, quelle détermination et quelle résilience le peuple ukrainien fait face. Pour défendre leur liberté, ces gens sont prêts à engager ce qu’ils ont de plus cher: la vie.
Et les Ukrainiens ont demandé à la Suisse un signe de solidarité. Sur place. Un signe d’humanité en des temps inhumains. Le président du Parlement ukrainien qui invite la présidente du Parlement suisse. J’ai accepté, comment aurais-je pu faire autrement? En ces temps chamboulés par la guerre, un signe de solidarité et d’humanité sur place, c’est le moins que nous puissions faire.
Ils pensent déjà à l'après
Nous nous étions préparés à voir beaucoup de misère et de désespoir. Parce que, même depuis votre confortable canapé dans une Suisse en sécurité et en paix, le simple fait de voir les terribles images du conflit a de quoi vous plonger dans la misère et le désespoir. Et cela s’est vérifié sur place, où nous avons pu nous rendre compte de la brutalité de cette guerre d’agression. Et de sa force destructrice, notamment dans les faubourgs de Kiev où le paysage n’offre plus que de la désolation.
Mais ce n’est pas seulement cela qui nous a frappés. Nous avons surtout pu constater le courage, la confiance et la bravoure de ceux qui sont sur place. Des politiciennes et politiciens qui, alors que la guerre continue de faire rage, se concentrent déjà sur l’après: reconstruire un pays dévasté. Plus moderne. Plus démocratique. Plus européen.
Nous avons également senti beaucoup de reconnaissance et d’humanité de la part des Ukrainiens. Parce que nous avons ouvert nos coeurs et nos maisons à leurs concitoyennes en fuite. Parce que nous avons adopté des sanctions strictes envers la Russie. Parce que nous avons déployé notre aide humanitaire sur place.
C’est cette reconnaissance et ce lien puissant que je veux ramener en Suisse. De la même manière que j’ai voulu apporter, dans le cadre de ma fonction, un message de solidarité à Kiev, j’ai envie de ramener cette gratitude dans l’autre sens. Ruslan Stefanchuk, mon homologue ukrainien, n’aurait pas pu trouver de mots plus justes: «Nos deux parlements sont élus par le peuple. Nous sommes donc tous deux des représentants de la population. Lorsque la présidente du Parlement suisse s’entretient avec le président du Parlement ukrainien, ce sont tous les Suisses qui s’adressent aux Ukrainiens.»
Et donc, lorsque le président de la Rada m’a dit merci, c’est à toutes les Suissesses et tous les Suisses qu’il dit merci. Je vous passe donc le message: MERCI.