Début février, la majorité de droite du Grand Conseil avait fait passer un postulat demandant que cette réforme soit différée. Avec comme principal argument: la défense de la richesse de la langue française face à une orthographe rectifiée qui vise à simplifier certaines pratiques (oignon devient ognon, selon un exemple régulièrement cité).
Dans son rapport à ce postulat, le Conseil d’Etat indique jeudi qu’il ne voit «aucun motif, ni à la forme ni en opportunité, de remettre en question» la décision de la CIIP. Celle-ci s’inscrit dans un espace éducatif romand et s’applique dans les autres pays francophones, relève-t-il.
Le Conseil d’Etat dit «regretter» que la CIIP n’ait pas mieux informé les Parlements cantonaux avant de rendre publique sa décision. Mais il tient à «respecter ses engagements en matière d’harmonisation scolaire et de coordination romande des moyens d’enseignement.» Et d’ajouter que «les bases légales» ont été respectées dans le cadre de cette réforme.
Une réforme d’ailleurs très marginale puisqu’elle concerne uniquement 0,4% des mots. Le gouvernement vaudois rappelle aussi que les deux graphies – traditionnelle et rectifiée – resteront admises. Le seul changement concernera l’enseignement, puisque c’est l’orthographe rectifiée qui sera transmise aux écoliers dès la prochaine rentrée.
«Il faut faire preuve de pragmatisme»
Devant le Grand Conseil, Frédéric Borloz, le conseiller d’Etat en charge de l’enseignement, avait reconnu que le canton avait peu de marge et qu’il fallait faire preuve de pragmatisme. «Est-ce bien raisonnable de vouloir faire cavalier seul au milieu de cet océan francophone?», avait-il demandé. En théorie, le canton de Vaud pourrait produire ses propres manuels de français. Mais il lui en coûterait «quelques millions de francs en plus de sa participation à la facture des nouveaux moyens romands dont il ne peut plus se libérer».
«La mutualisation des ressources entre tous les cantons romands est non seulement une nécessité pédagogique, mais aussi une décision sage sur le plan financier», poursuit le rapport du Conseil d’Etat. En faisant cavalier seul, le canton de Vaud consacrerait également «un enseignement en contradiction avec les dictionnaires en circulation que consultent les élèves.»
Pour mémoire, l’orthographe rectifiée reprend des changements recommandés dès 1990 par le Conseil supérieur de la langue française, puis validés par l’Académie française. Son introduction dans les écoles a soulevé une vague de critiques en Suisse romande.
Au sein des différents parlements, les textes déposés ont fini par être classés dans les cantons de Neuchâtel, du Valais et du Jura. Fribourg et Berne n’ont pas dû se pencher sur la question. Comme dans le canton de Vaud, le Grand Conseil genevois a fait de la résistance et doit encore se prononcer.
(ATS)