Au début des années 1970, la CEE - ancêtre de l'UE - décide de rendre obligatoire l'installation de ceintures de sécurité dans tous les véhicules neufs. Les constructeurs automobiles se déchaînent: on parle même de la ceinture comme d'un risque pour la sécurité et d'une privation de liberté. Toutes les jérémiades ne servent à rien. Dès le milieu des années 1980, le port de la ceinture de sécurité est devenu obligatoire dans toute l'Europe - et a depuis sauvé des centaines de milliers de vies humaines.
A l'image des ceintures à l'époque, le système ISA pourrait bientôt devenir obligatoire: ISA signifie Intelligent Speed Assistance, en français «Assistant de vitesse intelligent». Ce système devrait s'imposer dans tous les nouveaux modèles à partir de l'été 2022, puis dans quasiment toutes les voitures à partir de 2024. La Commission européenne a déjà fixé les détails au printemps dernier - plus rien ne s'oppose à l'entrée en vigueur du règlement le 6 juillet 2022 et donc à l'obligation de l'ISA. La nouvelle réglementation européenne s'appliquera également aux voitures neuves vendues en Suisse.
L'industrie automobile se défend
L'ISA fonctionne par reconnaissance des panneaux de signalisation avec des caméras dans la voiture ainsi que des données de navigation. Si le système constate un dépassement de la limite de vitesse, il attire l'attention du conducteur sur la faute commise. Comme pour le port obligatoire de la ceinture de sécurité, l'industrie automobile et son puissant lobby s'opposent de toutes leurs forces à un système ISA très contraignant.
Sur le même sujet
Concrètement, l'Allemagne, la France et l'Italie - les principaux pays constructeurs automobiles européens - souhaitent modifier le moins possible le statu quo actuel: un petit feu d'avertissement devrait suffire comme assistant de vitesse. Celui-ci pourrait être désactivé en cas de besoin par simple pression sur un bouton. «Il y a un risque d'affaiblissement dramatique des nouvelles normes de sécurité», rétorque le Conseil européen de la sécurité des transports (ETSC) - partisan d'une ISA aussi stricte que possible et plus efficace en termes de sécurité - dans une lettre adressée aux ministères des Transports de l'UE, selon le journal «Die Zeit».
Puissance du moteur réduite
Afin d'améliorer réellement la sécurité et de prévenir les accidents dus aux conducteurs, l'ETSC exige des systèmes qui fonctionnent avec une résistance croissante de la pédale d'accélérateur, voire une réduction de la puissance du moteur - une sorte de régulateur de vitesse forcé en somme. Selon des études, c'est cette dernière mesure, à première vue très contraignante, qui obtient les meilleurs résultats auprès des personnes testées, car elle transmet de manière intuitive le dépassement de la limite de vitesse et provoque ainsi le moins de stress à l'utilisateur du véhicule. A court terme, le système devrait pouvoir être contourné en appuyant fortement sur la pédale d'accélérateur, pour pouvoir dépasser en toute sécurité par exemple. Les avertissements visuels et surtout sonores ont quant eux obtenu peu d'enthousiasme lors des tests.
Zéro mort sur la route d'ici 2050
Mais quel est l'intérêt de l'ISA, alors que le nombre de morts et de blessés sur nos routes ne cesse de diminuer, notamment grâce à des voitures toujours plus sûres ? La vitesse excessive reste la principale cause d'accident en Europe. En Suisse aussi : selon le Bureau de prévention des accidents (BPA), la vitesse provoque chaque jour deux dommages corporels graves. En Allemagne, les chauffards sont responsables chaque année d'environ 1000 morts et 100 000 blessés. L'ETSC prévient que si l'ISA est fortement limité, l'objectif de l'UE de réduire de moitié le nombre de morts et de blessés sur les routes d'ici 2030 sera compromis. L'UE a fixé un objectif de zéro mort sur les routes pour 2050. Sans l'utilisation de systèmes tels que l'ISA, cet objectif ne pourra guère être atteint.
(Adaptation par Thibault Gilgen)