Des témoignages glaçants accablent le prêtre
«J'ai dû assister à des masturbations de l'Abbé Pierre»

La Fondation Abbé Pierre a annoncé vendredi vouloir changer de nom, après la publication de nouvelles accusations de violences sexuelles visant le prêtre, décédé en 2007.
Publié: 06.09.2024 à 16:21 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2024 à 18:06 heures
L'Abbé Pierre est visé par de nombreuses accusation d'agressions sexuelles.
Photo: AFP

C'est une nouvelle qui secoue le monde associatif: la Fondation Abbé Pierre a annoncé vendredi avoir «initié» des démarches pour changer de nom après la publication de nouvelles accusations de violences sexuelles visant le prêtre, décédé en 2007. 

Dans le même communiqué, le mouvement Emmaüs annonce la fermeture définitive du lieu de mémoire dédié à l'Abbé Pierre, figure emblématique de la lutte contre le mal-logement et le sans-abrisme, à Esteville. 

17 nouvelles accusations

Sept semaines après de premières révélations, l'Abbé Pierre est visé par dix-sept nouveaux témoignages l'accusant de violences sexuelles qui auraient été commises entre les années 1950 et les années 2000: c'est ce que révèle un rapport rendu public du cabinet spécialisé Egaé transmis à l'AFP.

«À ce jour, il est possible d'identifier au moins 17 personnes supplémentaires ayant subi des violences de la part» du prêtre décédé en 2007, peut-on lire dans ce rapport, qui fait notamment état de faits pouvant s'apparenter à des viols.

Des témoignages forts

Les témoignages font dans leur grande majorité état de contacts «non sollicités sur les seins», de «baisers forcés», mais également de «contacts sexuels répétés sur une personne vulnérable», «d'actes répétés de pénétration sexuelle» ou encore de «contacts sexuels sur une enfant». Les faits dénoncés remontent à une période des années 50 aux années 2000, la plupart du temps en France mais également aux États-Unis, au Maroc ou encore en Suisse.

Les personnes qui ont témoigné sont, ou ont été, bénévoles d'Emmaüs, salariées de lieux dans lesquels l'Abbé Pierre a séjourné, membres de familles proches du prêtre ou encore des personnes rencontrées lors d'événements publics, précise Egaé.

Parmi les témoignages, celui d'une femme ayant adressé une lettre à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase), dans laquelle elle dit avoir «dû assister à des masturbations de l'Abbé Pierre et avoir été forcée à réaliser des fellations dans un appartement parisien» en 1989. La famille d'une autre, décédée aujourd'hui, rapporte qu'elle avait été «forcée de masturber» l'Abbé Pierre à Rabat, au Maroc, en 1956.

Une autre femme témoigne avoir subi, en 1974 et 1975 en Ile-de-France, des «baisers forcés» et «des contacts» non sollicités alors qu'elle avait 8-9 ans. Selon un autre témoignage, l'Abbé Pierre aurait également imposé, en 1951, des contacts physiques non sollicités lorsqu'il était député à l'Assemblée nationale.

«Certaines parlaient pour la première fois de ce qui leur était arrivé et revivaient les faits en même temps qu'elles les racontaient», a déclaré à l'AFP Caroline De Haas, directrice associée d'Egaé.

Onde de choc à l'Église

Déclenchée le 17 juillet, la première vague de témoignages visant l'Abbé Pierre, icône et défenseur inlassable des sans-abri et des mal-logés, a provoqué une onde de choc en France. À la suite de ces révélations, initiées par le mouvement Emmaüs et la Fondation Abbé-Pierre, la Conférence des évêques de France (CEF) avait exprimé sa «douleur» et sa «honte».

Les premières accusations ont soulevé des interrogations sur la connaissance qu'en avaient ces institutions. «Le rapport indique que des personnes ont pu être informées à titre individuel mais pas en tant que mouvement», affirmait début août le délégué général d'Emmaüs International Adrien Chaboche à La Vie.

Soutien aux victimes

Dans un communiqué commun publié vendredi, la Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International réaffirment leur «soutien total aux victimes», saluent «leur courage» et assurent être «à leurs côtés».

Outre le changement de nom de la Fondation Abbé-Pierre et la fermeture définitive du lieu de mémoire d'Esteville, la mention «fondateur Abbé Pierre» du logo d'Emmaüs France pourrait être prochainement supprimée.

Une commission indépendante chargée «d'expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l'Abbé Pierre d'agir comme il l'a fait pendant plus de 50 ans» va également être créée.

L'Abbé Pierre «a porté une voix, un élan, qui ont entraîné des vagues de solidarité, l'importance de son action constitue un fait historique» mais «nous sommes désormais confrontés à la douleur insupportable qu'il a fait subir», écrivent les organisations. «Nos décisions sont donc impératives par respect pour les victimes qui ont pris la parole mais aussi pour les bénévoles, les salariés, les compagnes et les compagnons du Mouvement, les soutiens et les donateurs, dont l'action au quotidien serait entachée d'un malaise profond si rien ne changeait», ajoutent-elles.

Mis en place en juillet, le dispositif d'écoute et d'accompagnement restera quant à lui «ouvert et disponible jusqu'à la fin de l'année».

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