Ils ont vécu la guerre. Les enfants de Marioupol sont restés cloîtrés pendant des semaines dans les caves de leurs immeubles, tandis que la ville était rasée par les troupes russes. Mais le cauchemar ne s’est malheureusement pas arrêté là.
Plusieurs milliers d’enfants ont été enlevés puis adoptés par des familles en Russie. Maria Lvova-Belova, la déléguée aux droits de l’enfant du gouvernement de Vladimir Poutine, fait état de 30 enfants qui ont été «sauvés» de Marioupol, car leurs familles les auraient abandonnés sur place. Ces enfants seraient aujourd’hui dans des familles d’accueil russes et en seraient reconnaissants. Ils ne voudraient ni retourner en Ukraine ni retrouver leurs proches.
Plus de 5000 enfants disparus
Selon les données du ministère ukrainien, plus d’un millier d’enfants ont été enlevés cet été rien qu’à Marioupol et emmenés en Russie. Daria Herasymchuk, déléguée ukrainienne aux droits de l’enfant, accuse la Russie d’avoir enlevé illégalement près de 5754 enfants depuis août. Kiev a accusé Moscou de violer ainsi la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et demande à la Russie de rendre les enfants à leurs familles.
Des sources russes plaident également en faveur de ces enlèvements. En août, le département des affaires familiales de la ville russe de Krasnodar a publié un rapport indiquant que plus de mille enfants de Marioupol avaient été recueillis par des familles d’accueil russes et que 300 autres attendaient d’être adoptés. Le rapport a été rapidement effacé, mais il montre l’ampleur dramatique des enlèvements.
Leur haine s’est transformée en «amour pour la Russie»
La déléguée russe aux droits de l’enfant a présenté une tout autre histoire mardi lors d’une conférence de presse. Maria Lvova-Belova a déclaré que 30 enfants ont été «retrouvés» dans les caves de Marioupol. Selon elle, ces enfants ont été abandonnés par leurs parents dans la ville bombardée, alors que ceux-ci avaient pris la fuite. Ces enfants ont alors été emmenés à Moscou, où ils ont trouvé un nouveau foyer dans des familles russes.
Au début, «l'intégration» a été difficile, selon Maria Lvova-Belova. «Les enfants exprimaient des opinions négatives sur le président, racontaient des choses horribles, chantaient l’hymne ukrainien, criaient 'gloire à l’Ukraine' et ainsi de suite.»
«L’un des plus gros problèmes est le traumatisme que ces enfants ont vécu», a expliqué la déléguée russe aux droits de l’enfant. «C’est pourquoi il y a peut-être eu une certaine négativité au début. Mais celle-ci s’est transformée en amour pour la Russie», a-t-elle poursuivi. Une fois que les enfants ont été placés dans leur famille d’accueil, leur attitude envers la Russie a radicalement changé. Selon la déléguée, les enfants ne souhaiteraient désormais plus retourner en Ukraine: «Nous sommes très bien ici.»
La Russie ne veut pas réunir les enfants avec les familles ukrainiennes
La déléguée russe aux droits de l’enfant ne souhaite pas répondre à la demande de Daria Herasymchuk de ramener les enfants afin de les réunir avec leurs familles. Selon elle, les parents ont abandonné leurs enfants à Marioupol intentionnellement. «Une famille, par exemple, a fui en Allemagne en laissant des enfants derrière elle pour une raison quelconque et veut maintenant les récupérer», a déclaré Maria Lvova-Belova, sans mentionner les nombreuses familles ukrainiennes qui ont été séparées contre leur gré depuis le début de la guerre.
«Mon devoir est d’agir dans l’intérêt des enfants», a-t-elle affirmé. «Nous avons demandé aux enfants s’ils voulaient revenir en Ukraine et nous leur avons expliqué qu’ils en avaient désormais la possibilité. Aucun d’entre eux ne souhaite retourner au pays.» Jusqu’à présent, selon le journal en ligne «Medusa«, seuls 50 enfants sur plus de mille ont été rapatriés.