Le président de l’Association médicale mondiale
«Nous courons actuellement vers de plus gros problèmes»

Dans une interview accordée à Blick, Frank Montgomery, le dirigeant de l’Association médicale mondiale (WMA), exige de nouvelles restrictions de contact, attaque les groupes pharmaceutiques et contre les critiques à son égard.
Publié: 02.01.2022 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 02.01.2022 à 18:10 heures
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Le président des médecins du monde entier, Frank Ulrich Montgomery, trouve choquants les énormes bénéfices réalisés par les fabricants de vaccins.
Photo: Photothek via Getty Images
Fabian Eberhard

Dr Montgomery, vous aimez bien provoquer avec des déclarations choc. Au début du mois de novembre, vous avez déclaré dans un talk-show que nous étions sous le joug d'une «tyrannie des non-vaccinés».
Parfois, vous devez pointer du doigt pour lancer une discussion. A l'époque, personne n'osait encore dire que nous devions traiter différemment les non-vaccinés et les vaccinés. Aujourd'hui, c'est la norme. Je suis même un peu fier d'avoir été en quelque sorte précurseur de cette démarche.

Vous avez suscité une nouvelle polémique en Allemagne, en critiquant la décision de juges locaux qui ont déclaré que l'instauration de la règle des 2G pour les magasins était disproportionnée. La «NZZ» écrit cette semaine à votre sujet que vous étiez passé du statut de fonctionnaire à celui de populiste.
Je ne me considère pas comme populiste. Mais c'est à d'autres d'en juger. Et si je le suis populiste, au moins je ne me pas du côté de la plupart des populistes, c'est-à-dire celui des anti-vaccins, des anticonformistes et des négationnistes du Covid. Mais ne voulions-nous pas parler de la situation épidémiologique?

Président de l'Association médicale mondiale

Frank Ulrich Montgomery est un radiologue plusieurs fois récompensé pour son travail. Depuis 2019, il est également le président du Conseil d'administration de l'Association médicale mondiale. Auparavant, il était président de l'Association médicale fédérale allemande. Jusqu'à fin 2018, Montgomery a travaillé comme médecin-chef de la clinique radiologique de l'hôpital universitaire de Hambourg-Eppendorf. Il est marié à une médecin généraliste et a deux enfants.

Frank Ulrich Montgomery est un radiologue plusieurs fois récompensé pour son travail. Depuis 2019, il est également le président du Conseil d'administration de l'Association médicale mondiale. Auparavant, il était président de l'Association médicale fédérale allemande. Jusqu'à fin 2018, Montgomery a travaillé comme médecin-chef de la clinique radiologique de l'hôpital universitaire de Hambourg-Eppendorf. Il est marié à une médecin généraliste et a deux enfants.

Justement, parlons-en. Omicron submerge le monde, les chiffres sont en hausse. Qu'est-ce qui nous attend?
Nous courons actuellement vers de plus gros problèmes, c'est évident. Omicron est tellement contagieux que les cas vont exploser. Même si Omicron provoque moins souvent des maladies graves que le variant Delta, les hospitalisations vont fortement augmenter.

Et les hôpitaux sont déjà à bout de souffle.
Il y a en effet un risque de surcharge. Nous ne pouvons pas nous le permettre.

Que proposez-vous?
La seule chose qui aide vraiment, ce sont les restrictions de contact. Elles ont un effet très rapide et sûr.

Le médecin craint une surcharge du système médical à cause d'Omicron.

Faut-il un confinement?
Chacun d'entre nous peut, dans un premier temps, limiter lui-même ses contacts. Pour cela, il n'est pas nécessaire de prendre des mesures ordonnées par la loi. Je pars toutefois du principe que nous ne pourrons pas éviter d'autres mesures. En même temps, j'ai bon espoir que nous ne soyons plus obligés de tout réduire à zéro. Nous sommes plus avancés qu'il y a un an, surtout grâce à la vaccination.

Le taux de vaccination dans les pays germanophones est encore insuffisant. Pourquoi?
Je ne peux l'expliquer que par une aversion traditionnelle pour les vaccins. En Allemagne, en Autriche et en Suisse, il y a une tendance répandue à se tourner vers des formes ésotériques de médecine. Je ne sais vraiment pas comment nous pourrons encore entraîner ces personnes à se faire vacciner. Même les énormes campagnes d'information n'ont servi à rien.

Le dernier recours est l'obligation vaccinale.
C'est le résultat de tout cela, oui. Et c'est totalement justifié. Les personnes qui ne veulent absolument pas se faire vacciner doivent être exclues de certains secteurs de la vie publique. Point final.

N'est-ce pas très problématique du point de vue de la politique démocratique?
Il y a eu suffisamment d'avertissements. Nous ne parlons pas ici d'une contrainte. La police ne forcera personne à se faire vacciner. Aucun médecin ne vaccinera les patients contre leur gré.

Alors que nous sommes déjà en train de distribuer des doses de rappel, les pays en développement manquent de vaccins. Comment pourrons-nous à permettre une distribution équitable des vaccins?
Il est évident que les vaccins sont vendus beaucoup trop cher par la plupart des multinationales. L'État devrait prélever les bénéfices exorbitants des fabricants. Tous les pays occidentaux devraient le faire. Et avec cet argent, veiller à une répartition équitable.

Dans cette interview, il pense que les états devraient prélever une partie des bénéfices des grands groupes pharmaceutiques.

Vous plaidez pour une expropriation partielle?
Ne vous méprenez pas sur mes propos. Je ne suis ni socialiste, ni communiste. Je suis favorable à ce que ces entreprises fassent des bénéfices. Mais quels arguments y a-t-il contre un prélèvement d'une partie de ces bénéfices par l'État? Nous parlons ici de plusieurs milliards de francs. Cela pourrait se faire par le biais des impôts. Si vous voulez appeler cela une expropriation, je veux bien.

Une alternative serait de lever les brevets pour les vaccins.
Cela ne fonctionne pas. Pour les vaccins à ARNm de Pfizer et Moderna notamment, la production et l'assurance qualité sont si complexes qu'il serait dangereux d'installer rapidement un site de production dans un pays du tiers-monde. Sans le savoir-faire des grands groupes, c'est impossible.

Si l'un de ces scénarios devait entrer en jeu (une imposition des bénéfices ou une levée des brevets), est-ce qu'on ne court pas le risque de briser la motivation de fabricants de développer des vaccins?
Je préférerais, évidemment, que l'industrie pharmaceutique adopte d'elle-même une politique de prix raisonnable. Certaines entreprises le font d'ailleurs. Astrazeneca a renoncé dès le début à des bénéfices excessifs et a misé sur des revenus modérés. Dans les pays pauvres, l'entreprise propose même la vaccination à prix coûtant. Et n'oublions pas que des groupes comme BioNTech ont reçu début 2020 plusieurs centaines de millions en cadeau de la part des Etats pour faire de la recherche sur les vaccins.

Revenons à Omicron. Se pourrait-il que ce variant marque la fin de la pandémie? Une fin horrifique, pour ainsi dire?
Grâce à Omicron, il ne fait aucun doute que l'immunisation de base de la population va progresser. Chacun d'entre nous sera en contact avec le variant. Cela pourrait conduire à une atténuation de la pandémie.

On sent que vous allez dire «oui, mais»...
Le virus nous a étonnés à chaque nouveau variant. Il est désormais essentiel d'essayer d'empêcher le plus grand nombre possible d'infections. Mais seule l'infection peut donner lieu à une mutation. L'espoir est permis.

Le président de l'Association médicale mondiale soutient complètement les restrictions envers les non-vaccinés.
Photo: Photothek via Getty Images

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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