Aéroport de Zurich, samedi après-midi: le conseiller national du Parti évangélique suisse (PEV) Nik Gugger revient d'un voyage qui fera la une des journaux internationaux. Douze heures plus tôt, la capitale azerbaïdjanaise Bakou a connu un coup d'éclat: le régime a expulsé le politicien suisse du pays.
Nik Gugger est bouleversé. En coulisses, la tension diplomatique est à son comble. Tôt samedi matin, le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a été informé de l'incident.
«Ce qui s'est passé est un scandale», déclare le politicien du PEV en prenant un café avec Blick à l'aéroport de Zurich. Il n'a pas dormi depuis plus de 30 heures.
Nik Gugger devait signaler les violations des droits de l'homme
En effet, l'incident est explosif. Le conseiller national s'est rendu en Azerbaïdjan en tant qu'observateur électoral officiel, il a reçu l'accréditation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Sa mission sur place: observer les prochaines élections présidentielles et signaler les violations des droits de l'homme. Nik Gugger a de l'expérience en la matière, il a déjà participé à des missions similaires en Russie et en Moldavie.
Mais ce qui s'est passé dans la nuit de vendredi à samedi, il ne l'avait encore jamais vécu. A peine débarqué à Bakou, il est arrêté à l'entrée diplomatique par des policiers en uniforme. Ils lui confisquent son passeport et lui refusent l'entrée sur le territoire. D'autres observateurs de l'OSCE sont, eux, autorisés à passer sans problème, y compris la délégation suisse.
«Le fait que le régime azerbaïdjanais désavoue à ce point une mission d'observation constitue un nouveau degré d'escalade», déclare Nik Gugger. «La situation était déplorable.» Selon lui, l'Azerbaïdjan doit immédiatement s'expliquer auprès de l'OSCE.
Les policiers ont retenu le conseiller national près de trois heures à l'aéroport de Bakou, lui ont offert un thé, puis l'ont mis dans un avion pour Istanbul. Ce n'est qu'une fois en Turquie qu'il a pu récupérer son passeport. Samedi à 14 heures, il a atterri à Zurich.
Le Département des affaires étrangères (DFAE) confirme l'incident à Blick: «Nous en avons connaissance.» L'ambassade suisse à Bakou se serait efforcée d'apporter son soutien au conseiller national Nik Gugger. «Le DFAE interviendra auprès des autorités azerbaïdjanaises par les voies diplomatiques habituelles.»
Le fait qu'un observateur de l'OSCE annoncé ne soit pas autorisé à entrer dans un pays est un affront diplomatique et est extrêmement rare.
Le vainqueur des élections est déjà connu
Les élections en Azerbaïdjan auront lieu mercredi prochain. Mais le vainqueur est déjà connu: le dictateur Ilham Aliyev, âgé de 62 ans, continuera à gouverner. Des élections équitables n'existent pas en Azerbaïdjan. Dans l'indice de démocratie du magazine britannique «The Economist», le pays occupe la 134e place sur 167.
La raison exacte pour laquelle Nik Gugger n'a pas été autorisé à entrer dans le pays n'est pas claire à ce jour. Mais cela pourrait être lié à son activité au sein du Conseil de l'Europe. La semaine dernière, le régime de Bakou a annoncé qu'il n'accepterait pas d'observateurs électoraux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (Pace). Comme le conseiller national est observateur électoral du Conseil de l'Europe en plus de son engagement auprès de l'OSCE, il se pourrait qu'il se soit retrouvé sur une liste noire. L'ambassade d'Azerbaïdjan à Berne n'était pas joignable pour une prise de position.
Le conflit du Haut-Karabagh pourrait également jouer un rôle
L'engagement politique de Nik Gugger dans le conflit du Haut-Karabagh pourrait également être une épine dans le pied de la dictature du Caucase. En septembre dernier, l'armée azerbaïdjanaise a conquis cette petite république non reconnue et a expulsé plus de 100'000 Arméniens chrétiens. Le conseiller national a protesté publiquement contre la violence et a également fait parvenir ses critiques à l'ambassadeur azerbaïdjanais.
«Je m'engage depuis des années pour la paix et j'essaie de construire des ponts», déclare le politicien du PEV. Le fait que le régime de Bakou le bannisse du pays montre que l'Azerbaïdjan est encore loin d'être un État de droit.