Un mouvement de grève d'une ampleur rare pour l'Allemagne paralyse lundi le secteur des transports à l'appel des syndicats qui réclament de meilleurs salaires pour compenser l'inflation.
La mobilisation s'inscrit dans un contexte de tensions sociales croissantes dans la première économie européenne. Les grèves pour les salaires se multiplient depuis le début de l'année, des écoles aux hôpitaux, en passant par la Poste.
Les usagers doivent s'armer de patience lundi dans tout le pays où les trains, bus, tramways sont rares. Les aéroports, le fret maritime et fluvial, les sociétés d'autoroutes sont aussi concernés par cet arrêt de travail de 24h.
Un événement très rare
Certains expriment leur irritation: «La grève va trop loin. Ce que les grévistes demandent est exagéré», estime dans une gare de Berlin, Gloria Bierwald, 73 ans, en retard pour ses rendez-vous. D'autres comprennent le mouvement. «C'est très bien. Il faut être attentif à l'énorme travail accompli par les grévistes», confie Steffi Wisser, une caissière de 46 ans.
Contrairement à des pays comme la France, un tel mouvement unitaire entre les syndicats EVG et Ver.di, représentant respectivement 230'000 salariés des sociétés ferroviaires et 2,5 millions d'employés des services, est extrêmement rare. Cette grève dite «d'avertissement» coïncide avec le début, lundi, du troisième round de négociations tarifaires entre les employeurs et le syndicat Ver.di qui réclame 10,5% de revalorisation des salaires.
Cette «Mega-Streik» (méga-grève) – comme l'ont baptisée les médias allemands – touche un pays où les prix se sont envolés depuis plus d'un an, avec une inflation qui a atteint 8,7% en février. Les employeurs (Etats, communes, entreprises publiques) proposent une augmentation de 5% avec deux versements uniques de 1000 et 1500 euros.
30'000 grévistes
Près de «30'000 salariés» ont cessé le travail, rien que dans le secteur ferroviaire, selon EVG. «Il s'agit de la plus grosse participation à une grève depuis des années», s'est félicité Franck Werneke, patron du syndicat Ver.di.
Sur les écrans de la gare dans le centre de Berlin, s'affichent des retards de plus de 300 minutes sur les écrans. «Je ne juge pas les travailleurs qui font la grève. On doit les soutenir», assure Julia, 38 ans, éducatrice, en retard pour un rendez-vous médical. Angelika Koch, une retraitée de 65 ans souligne qu'elle aussi «gagne peu d'argent, mais «la grève est une spirale sans fin, cela ne sert à rien», tranche-t-elle.
La fédération des aéroports allemands (ADV) a dénoncé une stratégie «d'escalade des grèves sur le modèle de la France», où les journées de mobilisation se succèdent contre la réforme des retraites. «L'Allemagne est loin d'être championne d'Europe des jours de grève», a répliqué lundi Martin Burkert, président du syndicat EVG.
Le terreau est de plus en plus favorable au mouvement social en Allemagne, où la recherche du consensus caractérise habituellement les relations entre patronat et syndicats. «Il y a eu plus de grèves ces dix dernières années en Allemagne que dans les décennies précédentes», observe Karl Brenke, expert de l'institut économique DIW interrogé par l'AFP.
Demandes d'augmentations
Avec un niveau de chômage particulièrement bas depuis la fin des années 2000, le pays souffre d'un manque de main d'oeuvre qui met «en position de force» les syndicats dans les négociations, selon Karl Brenke. Depuis le milieu des années 2010, ceux-ci ont réussi à imposer des augmentations, après une décennie marquée par la politique de modération salariale de l'ère Gerhard Schröder, au nom de la compétitivité.
En 2015, un record a été enregistré, avec plus de 2 millions de jours de grève dans l'année. Les salaires réels ont augmenté systématiquement de 2014 à 2021, sauf en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19.
La dynamique a été brisée par l'inflation en 2022, avec une baisse de 3,1%. «Nous avons maintenu le service public en vie pendant la pandémie. Maintenant nous voulons plus d'argent», estime Petra, 60 ans, croisée dans une manifestation sur la Friedrichstrasse, avenue emblématique de Berlin.
Fin 2022, près de 4 millions de salariés allemands de l'industrie ont décroché une hausse de salaires de 8,5% sur deux ans, après plusieurs semaines ponctuées par des arrêts de travail.
(ATS)