Joe Biden a donné mardi un coup de barre à droite à la politique d'immigration des Etats-Unis, annonçant de nouvelles mesures drastiques censées permettre de «reprendre le contrôle» de la frontière avec le Mexique. Des mesures décriées par ses adversaires républicains comme étant «de la poudre aux yeux», et contestées à gauche.
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Le président démocrate, 81 ans, a signé un décret qui empêchera les migrants entrés illégalement sur le territoire américain de bénéficier du droit d'asile lorsque leur nombre dépasse les 2500 par jour, ce qui est actuellement le cas. Le texte, qui entrera en vigueur mercredi à minuit (06h00 suisses jeudi), facilite aussi les expulsions vers le Mexique, à quelques rares exceptions près.
Une des politiques les plus restrictives adoptées par un démocrate
Ces mesures «nous aideront à reprendre le contrôle de nos frontières et à rétablir l'ordre dans le processus» de demande d'asile, a déclaré le président Biden lors d'une allocution, ajoutant qu'elles respectaient «les responsabilités qui nous incombent en vertu du droit international».
Il a une nouvelle fois accusé ses adversaires républicains de bloquer toute réforme migratoire, en pleine campagne électorale avant l'élection de novembre où il sera opposé à Donald Trump. «Réglons le problème et cessons de nous battre à ce sujet», a-t-il dit en faisant valoir qu'il ne «diaboliserait jamais» les migrants. Les demandeurs d'asile seraient à nouveau autorisés à entrer dès que leur nombre tomberait à 1500 par jour, selon la Maison Blanche.
Il s'agit d'une politique d'immigration parmi les plus restrictives jamais adoptées par un président démocrate, alors que tous les sondages montrent que le sujet pèse lourd sur les chances de réélection de Joe Biden en novembre. Son adversaire républicain Donald Trump a balayé ces annonces, répétant que le président américain a selon lui «complètement abandonné (la) frontière sud». «Joe Biden prétend enfin faire quelque chose au sujet de la frontière - mais en fait, ce n'est qu'une façade car il sait qu'un débat aura lieu dans trois semaines», a-t-il écrit sur son réseau Truth Social, en référence au duel télévisé qui les opposera le 27 juin.
«De la poudre aux yeux»
Donald Trump martèle que les migrants clandestins sont à l'origine d'une vague de criminalité aux Etats-Unis. Or, ni les statistiques policières disponibles dans les grandes villes, ni les études ne démontrent la réalité d'un tel phénomène. De son côté, le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a dénoncé «de la poudre aux yeux».
Démocrates et républicains s'écharpent sur l'immigration et n'ont pas réussi à s'entendre sur une proposition de loi négociée durant des mois au Congrès, et finalement rejetée par les conservateurs. La Maison Blanche s'est efforcée mardi de désamorcer les critiques selon lesquelles Joe Biden copierait Donald Trump, en utilisant les mêmes dispositifs que son prédécesseur.
«Toutes ces politiques contrastent fortement avec la manière dont l'administration précédente a géré l'immigration», a avancé un haut responsable sous couvert d'anonymat. «Ils ont diabolisé les immigrés, institué des raids massifs, séparé les familles à la frontière et mis les enfants dans des cages».
Les élections en ligne de mire
Malgré tout, Joe Biden adopte une stratégie risquée avec ce durcissement, prenant le risque de susciter la colère de l'aile gauche de son parti. Le décret est basé sur une loi préalablement utilisée par l'administration Trump pour interdire l'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de plusieurs pays musulmans. «Cette mesure adopte la même approche que l'interdiction d'asile de l'administration Trump. Nous allons contester ce décret devant les tribunaux», a prévenu la puissante ACLU, une association de défense des droits. Le droit d'asile est un «droit humain fondamental», a tenu à rappeler une porte-parole de l'ONU, Florencia Soto Nino.
A l'approche de la présidentielle, les républicains cherchent à faire de l'immigration le sujet central du débat, accusant Joe Biden d'être responsable d'une «invasion». Donald Trump, qui avait construit lors de son mandat des pans de mur à la frontière mexicaine, tient une rhétorique de plus en plus incendiaire envers les migrants, les accusant d'"empoisonner le sang» du pays. Dans les 12 mois qui ont précédé octobre 2023, 2,4 millions de personnes ont été interceptées à la frontière avec le Mexique, un record.
En décembre, quelque 10'000 personnes, poussées par la pauvreté et la violence en Amérique latine, traversaient illégalement la frontière chaque jour. Ce nombre a depuis baissé, mais le sujet reste brûlant.