«Il ne faut pas reconstruire la neutralité, mais continuer à la construire», pour que celle-ci reste crédible et reconnue auprès des pays qui partagent les mêmes valeurs que la Suisse, a indiqué celui qui est aussi ministre des affaires étrangères dans une interview publiée samedi dans les journaux ESH, La Liberté et le Journal du Jura. Selon lui, c'est un travail de longue haleine: «Il faut des décennies pour bâtir les institutions. Il ne faut pas tout changer en versant dans l'émotionnel.»
«La reprise des sanctions de l'UE à l'encontre de la Russie était une décision politique orientée par les valeurs inscrites dans notre Constitution», des valeurs qui sont celles du monde occidental, a-t-il expliqué. Cette décision s'est justifiée «par une violente rupture du droit international, et par la violation de nos principes et de nos valeurs».
Il n'y a pas que la guerre en Ukraine qui a remis la neutralité au centre des discussions. L'élection de la Suisse au Conseil de sécurité de l'ONU au début du mois y a aussi contribué.
L'ONU est une organisation neutre et universelle, a souligné Ignazio Cassis. «Elle est l'addition de toutes les visions du monde qui essayent de trouver un chemin commun.» Et de poursuivre: «La Suisse aura le rôle de facilitateur, de médiateur, de bâtisseur de ponts. Le but est de faire dialoguer les pays les plus puissants de ce monde.»
L'Ukraine «doit pouvoir conserver un espoir»
Le président de la Confédération a encore rappelé qu'il a demandé un rapport visant à mener une réflexion globale sur la neutralité. Le document doit être soumis au gouvernement après l'été. Ignazio Cassis s'est aussi exprimé sur la Conférence de Lugano, qui se tiendra les 4 et 5 juillet. Le but de la conférence est d'ouvrir le chemin de la reconstruction de l'Ukraine, a-t-il rappelé.
Une reconstruction qui sera longue et difficile, et dont les montants se chiffreront en centaines de milliards de dollars, selon lui. Mais l'Ukraine «doit pouvoir conserver un espoir, et imaginer un futur». Et de glisser que Berne fera le nécessaire en termes de sécurité si le président ukrainien Volodymyr Zelensky décide de venir physiquement à la conférence.
Ignazio Cassis est également revenu sur la rencontre entre les présidents américain Joe Biden et russe Vladimir Poutine à Genève il y a un an. Concédant que la voie diplomatique n'a pas suffi pour éviter un conflit, il a toutefois déclaré que «ce n'est pas une raison pour dire que nous avons eu tort de faire ce travail. Aujourd'hui, nous referions la même chose.»
Il s'est encore dit fatigué, comme tout le monde, comme le gouvernement, après deux ans de pandémie et une guerre sur le continent européen. Mais d'avertir qu'il faudra faire face à une nouvelle crise: l'inflation. «L'augmentation des prix du carburant et de l'énergie, c'est une conséquence de la guerre. Nous devrons peut-être adopter un mode de vie un peu plus frugal, et prendre l'habitude d'économiser sur le chauffage, les déplacements et l'alimentation.»
(ATS)