Droguée et violée par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet par son mari chez elle pendant plus de dix ans, Gisèle P. est restée stoïque mardi à l'écoute d'un long et cru résumé des faits qui a poussé sa fille à sortir de la salle d'audience. La fille de la victime, Caroline Darian (son nom de plume pour le livre qu'elle a publié en 2022, «Et j'ai cessé de t'appeler papa"), a été prise de tremblements vingt minutes après le début de cette deuxième journée d'audience, devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon.
Elle s'est écroulée en sanglots lorsque le président Roger Arata a fait état de photomontages où elle apparaît dénudée, qui avaient retrouvés dans l'ordinateur de son père dans un dossier intitulé «Autour de ma fille, à poil».
Elle n'a laissée transparaître aucune émotion
Ses deux frères, assis à ses côtés, ont tenté de la soutenir, tout comme sa mère, qui lui a posé une main sur la jambe. Mais, face à la litanie de détails, Caroline Dorian a finalement quitté la salle en tremblant et en pleurs, escortée par ses deux frères et son avocat, Me Antoine Camus, avant de revenir quelque vingt minutes plus tard. Gisèle P., chemise blanche, n'a elle laissé transparaître aucune émotion.
Face à elle, à l'autre bout de la salle dans le box réservé aux 18 accusés détenus, son mari, en tee-shirt gris, est resté impassible. De temps à autre, il a lancé des regards vers la salle où sont assis les 32 autres accusés comparaissant libres, avec leurs avocats. «Compte tenu du nombre d'accusés, de la masse d'informations saisies et afin d'en avoir une information pour tous, la lecture à venir sera concise et concentrée sur les points saillants du dossier», avait précisé, au début de sa prise de parole, Roger Arata.
Il dit avoir «agi sous des pulsions»
Le président de cette cour criminelle composée de cinq magistrats professionnels a ensuite entamé d'un ton monocorde et froid sa lecture du résumé d'un dossier de 31 tomes, pour lequel 51 hommes (dont un en fuite) seront jugés pendant quatre mois. Sans un mot pour Gisèle P. et ses trois enfants, dont de nombreux détails intimes vont être dévoilés tout au long de la journée. Lundi, le huis clos demandé par le ministère public et certains accusés, avait été refusé, la principale victime souhaitant que la «honte change de camp».
Outre le principal accusé, seuls 50 agresseurs sur les 72 recensés par les enquêteurs d'après les photos et vidéos retrouvées, ont été arrêtés, risquant jusqu'à 20 ans de réclusion pour viols aggravés. L'énoncé des faits débute le 12 septembre 2020 avec l'arrestation de Dominique P., 71 ans aujourd'hui, par un agent de sécurité d'un supermarché de Carpentras (Vaucluse) après avoir filmé des clientes sous leur jupe. Dans sa poche, des préservatifs et un appareil photo. Interrogé, il explique alors avoir «agi sous des pulsions» qu'il n'a «pu contrôler».
450 cachets commandés en un an
En garde à vue, il explique que son épouse (le couple est en instance de divorce depuis la révélation des faits) était absente du domicile conjugal depuis un mois et qu'il avait «eu des pulsions» depuis deux semaines. Mais, lors de plusieurs perquisitions, les enquêteurs tombent sur des milliers de photos et vidéos dans lesquelles sa femme est violée à son domicile par des inconnus recrutés sur internet.
Dominique P. utilisait le forum d'un site controversé, coco.gg, fermé depuis juin par la justice sous le pseudonyme «Marc Dorian», pour les recruter. «Tu es comme moi, tu aimes le mode viol», avait-il lancé à un de ses interlocuteurs dans une discussion retrouvée par les enquêteurs. A d'autres, intéressés par sa méthode, il explique qu'en administrant des somnifères à son épouse - 450 cachets auraient été commandés en l'espace d'un an, selon l'Assurance maladie -, il pouvait abuser d'elle et obtenir des pratiques qu'elle refusait en temps normal.