La France des colères a rendez-vous dans la rue le 21 janvier. Quarante-huit heures après la première grève générale convoquée par le front uni des syndicats le 19 janvier, c’est sur la fièvre sociale du pays entier que Jean-Luc Mélenchon compte pour faire reculer le gouvernement sur son projet de réforme des retraites.
Une fièvre dont il reste le porte-parole emblématique à gauche, au point que beaucoup le voient déjà se représenter à l’élection présidentielle une quatrième fois en… 2027.
La porte vers l’Élysée? Pas fermée
Le tribun aura alors 75 ans. Mais la porte n’est pas fermée: «Vous voulez que je vous signe un papier?, s’est-il énervé jeudi 12 janvier durant l’émission «L’évènement» présentée par Caroline Roux depuis la Guyane. Parlons-en puisque ça a l’air d’obséder je ne sais combien de gens […] Ça ne peut pas se régler comme ça! Ce sont les circonstances qui font les candidatures, tout le monde le sait. Je n’ai pas été candidat trois fois par l’effet de mon ambition, notamment la dernière fois, ce n’était pas le moment où j’en avais le plus envie. C’étaient les circonstances.»
Cette France en ébullition sociale est celle que l’ancien député de Marseille avait choisie, cette semaine, de venir rencontrer en Guyane, le département d’outre-mer français coincé entre le Brésil et le Surinam. Dans cette collectivité locale écrasée par le chômage et les problèmes liés à l’immigration clandestine, 50,4% des électeurs ont voté Mélenchon au premier tour de la présidentielle, le 10 avril 2022, contre 21,95% sur le plan national.
Levée de boucliers sur les réseaux sociaux
Que le tournage de cette émission télévisée à 7000 kilomètres de Paris suscite, sur les réseaux sociaux, une levée de boucliers et de critiques ne l’a donc pas ébranlé. «J’ai dit que je me mettais en retrait, pas en retraite», a poursuivi le leader de la gauche radicale, maniant l’ironie alors que son ex-dauphin Adrien Quatennens, député du Pas-de-Calais, vient de retourner à l’Assemblée nationale comme député non inscrit.
L’intéressé, figure des médias avec ses cheveux roux, a été condamné à la mi-décembre à quatre mois de prison avec sursis pour avoir giflé son ex-épouse.
La polémique télévisée en Guyane
La vérité est que Jean-Luc Mélenchon croit le «troisième tour social» qu’il a souvent promis enfin possible, huit mois après la réélection d’Emmanuel Macron. En Guyane, l’ex-candidat à l’Élysée a passé le plus clair de son temps à écouter les doléances de la population face à ce qui constitue la grande angoisse des Français: l’impression d’un délitement massif de leurs services publics, à commencer par le système de santé.
Le fait de faire venir une équipe de télévision de l’autre côté de l’Atlantique visait, en plus, à le placer à distance du débat politicien. Et ce, au moment où le parti socialiste tient son congrès, et alors que la réorganisation de sa formation, «La France Insoumise», est perçue comme un verrouillage à son profit.
Verrouillage de «La France insoumise»
Mélenchon a en effet placé son homme à la tête de LFI, Manuel Bompard, son successeur comme député du Vieux port de Marseille. Il a maintenu à l’écart d’autres leaders potentiels des nouvelles générations, comme l’ex-journaliste François Ruffin.
Être en Guyane, sous une tente placée au bord du fleuve, a aussi pour but d’incarner sa préoccupation écologique. «Nous sommes une nation amazonienne, nous avons des responsabilités» a-t-il répété. Mails, il n’entend pas seulement se consacrer à l’écriture de son prochain livre. Objectif action: «Je le redis bien fort, ce n’est pas compliqué de régler les problèmes à condition d’avoir une vision de la vie humaine qui repose sur les intérêts des êtres humains et pas tenir des comptes», a-t-il clamé à Cayenne.
Rendez-vous donc le 21 janvier. Ce samedi-là, Jean-Luc Mélenchon testera sa capacité à bloquer le pays, au moment où le Rassemblement national de Marine Le Pen se focalise, lui, sur le blocage parlementaire de la réforme des retraites.
Objectif: solidariser en particulier les fonctionnaires contre cette réforme qui «fait «perdre toutes les conquêtes sociales de toutes les professions qui en avaient, sauf les pompiers et les policiers. On a maintenu une situation d’injustice pour tous ceux qui n’ont pas des carrières complètes et on devra travailler plus longtemps».
Entre colère et résignation
Pour le politologue Jérôme Fourquet, de l’Institut IFOP, le moment sera révélateur: «Quand on regarde le climat d’opinion, aujourd’hui les Français sont partagés entre deux sentiments majoritaires, explique-t-il. D’une part, la colère, ça peut servir de carburant à un mouvement type Gilets jaunes. D’autre part un très fort sentiment de résignation, une espèce de sentiment d’abattement, avec un empilement de crises successives.»
Depuis la Guyane, quitte à se faire éreinter sur Internet, Jean-Luc Mélenchon parie sur la première option.