Jean-Marie Le Pen, 95 ans, a été placé «sous régime de protection juridique», a indiqué mercredi le vice-président du RN Louis Aliot, confirmant une information de RMC.
L'ancien président du Front National (ex-RN) a fait l'objet mi-février d'un mandat de protection, a expliqué à l'AFP son avocat, Me François Wagner, une disposition civile qui s'apparente à une tutelle. Elle a été activée sur demande de la famille par le tribunal de proximité de Puteaux (Hauts-de Seine), après une expertise médicale constatant l'inaptitude de Jean-Marie Le Pen.
Ses trois filles sont ses mandataires
Elle a fait de ses trois filles – Marie-Caroline, Yann et Marine Le Pen – ses mandataires, leur permettant de réaliser divers actes au nom de leur père, seules ou de concert. Selon plusieurs de ses proches, la santé de Jean-Marie Le Pen a largement décliné depuis un accident cardiaque survenu en avril 2023.
La question de sa capacité à comparaître à son procès dans l'affaire des assistants d'eurodéputés prévu à l'automne, est désormais posée: «Je pense que le tribunal devra prononcer une mesure constatant qu'il ne peut ni se rendre, ni témoigner, ni participer à ce procès», a considéré Louis Aliot, alors qu'une décision doit être rendue début juillet. Le tribunal correctionnel de Paris doit se prononcer sur ce point le 3 juillet, après avis d'experts médicaux.
«Disjonction» de son cas
«M. Le Pen ne peut plus se déplacer et ses facultés sont considérablement altérées», avait indiqué au tribunal Me François Wagner, lors d'une audience préparatoire. Si l'activation du mandat de protection future n'emporte pas automatiquement l'impossibilité de comparaître, il en constitue toutefois un indice sur l'état de santé.
Les magistrats vont devoir constater à la fois l'incapacité de se déplacer de Jean-Marie Le Pen, mais également «son absence de capacité à pouvoir appréhender les charges», a expliqué une source judiciaire.
Le tribunal pourrait ainsi constater que Jean-Marie Le Pen ne peut assurer pleinement sa défense et ordonner la «disjonction» de son cas du reste du dossier, ce qui le renverrait à un procès séparé, sine die, dans l'attente d'un illusoire rétablissement. Cette hypothèse d'un procès principal sans Jean-Marie Le Pen complexifierait encore davantage un dossier déjà tentaculaire.
Une défense «entravée»?
Parmi les prévenus, outre l'ancien président du Front national, figurent Marine Le Pen, Louis Aliot, aujourd'hui vice-président du RN et maire de Perpignan, l'ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, le vice-président exécutif de Reconquête! Nicolas Bay, l'ex-trésorier du FN Wallerand de Saint-Just ou encore le député et porte-parole du RN Julien Odoul.
L'ex-eurodéputé Jean-François Jalkh est également visé, mais lui-aussi pourrait faire l'objet d'une disjonction de son cas, pour des raisons de santé. Au total, une dizaine de personnes ayant été élues eurodéputés sur des listes Front national (désormais RN), douze autres ayant été leurs assistants parlementaires, ainsi que quatre collaborateurs du parti doivent être jugés.
Mais, si Jean-Marie Le Pen et Jean-François Jalkh devaient finalement ne pas comparaître, la défense de nombreux prévenus – à commencer par celles de leurs assistants – pourrait être «entravée», ont souligné plusieurs sources proches du dossier, en mettant en exergue «l'indivisibilité des poursuites».
L'enquête remonte à 2015
L'enquête avait débuté en mars 2015. Le Parlement européen avait annoncé avoir saisi l'office anti-fraude de l'UE d'éventuelles irrégularités commises par le Front national concernant des salaires versés à des assistants parlementaires.
Les magistrats soupçonnent le parti d'extrême droite d'avoir «de manière concertée et délibérée» mis en place un «système de détournement» des enveloppes (21'000 euros mensuels) allouées par l'Union européenne à chaque député pour rémunérer des assistants parlementaires.
Ces derniers auraient travaillé en réalité tout ou partie pour le FN, lui permettant ainsi des économies substantielles de salaires. Le Parlement européen, partie civile, avait évalué en 2018 son préjudice à 6,8 millions d'euros pour les années 2009 à 2017.
(AFP)