La meurtrière présumée devait quitter la France
A Paris, la marche pour Lola, prochaine bombe politique

Quelques jours ont suffi, en France, pour que l'exploitation politique du meurtre d'une jeune parisienne de 12 ans se transforme en procès de l'immigration clandestine. Un procès que le profil de sa meurtrière présumée transforme déjà en nouvelle bataille rangée.
Publié: 19.10.2022 à 12:59 heures
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Dernière mise à jour: 19.10.2022 à 14:43 heures
A l'Assemblée nationale mardi 18 octobre, Marine Le Pen a aussitôt dénoncé l'immigration clandestine comme responsable du meurtre de Lola, alors que l'enquête est en cours. La dirigeante d'extrême-droite a obtenu aussitôt le soutien d'une partie de la droite.
Photo: imago/IP3press
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Richard WerlyJournaliste Blick

Qui marchera pour rendre hommage à Lola, cette collégienne de 12 ans retrouvée morte dans une malle à proximité de son domicile familial à Paris, vendredi 14 octobre?

Pour l’heure, l’organisation de cette grande manifestation, assurée d’émouvoir le pays entier, n’est pas confirmée, tout comme la date et le lieu possible de l’événement. Le Rassemblement national et Reconquête, les deux formations d’extrême droite françaises, ont toutefois déjà assuré qu’ils y participeront et Eric Zemmour, le leader de Reconquête, a fait de ce crime terrible son nouveau sujet de prédilection sur les réseaux sociaux.

Motif: protester contre l’immigration clandestine et la non-mise en œuvre des renvois des étrangers sommés de quitter le territoire français. La meurtrière présumée de Lola, interpellée et incarcérée après avoir été repérée sur des vidéos de surveillance, était en effet sous le coup d’une expulsion. D’origine algérienne, elle avait en partie grandi en France, puis l’avait quittée pour l’Algérie avant d’y revenir avec un visa d’études.

Une horreur absolue

Le déroulement du meurtre de Lola est une horreur absolue. La malheureuse a été torturée, puis jetée dans une caisse en plastique à roulettes, qui sera ensuite transportée par la principale suspecte. La collégienne, dont les parents sont, depuis sa mort, réfugiés dans leur département du Pas-de-Calais, revenait de l’école. Elle semble alors, selon les caméras de surveillance, avoir suivi la jeune femme soupçonnée de l’avoir tuée avec d’éventuels complices. L’enchaînement des faits reste mystérieux, mais l’identité de la meurtrière a vite fait surface.

Cette jeune Algérienne, qui a reconnu les faits avant de se rétracter, errait dans Paris. Elle avait, semble-t-il, rejoint l’une de ses sœurs, installée dans la même résidence que les parents de la victime. Son âge, son itinéraire, la perte prématurée de sa mère qui vivait alors en France à ses côtés, les violences qu’elle a elle-même subies durant sa semi-clandestinité...

Tout cela brosse le portrait d’une dérive individuelle dont la capitale française est de plus en plus témoin. Dans le nord de Paris, depuis plusieurs années, des bandes de mineurs et jeunes adultes immigrés sans papiers, rançonnent les habitants et vivent de petits larcins. «L’insécurité liée aux mineurs étrangers isolés explose à Paris», assénait en juin dans Le Point l’un des maires adjoints du XVe arrondissement, Anthony Samama.

La France figée dans la douleur

Le lien direct entre cette délinquance et le meurtre de Lola n’est nullement établi. Mais pour l’extrême droite, le rapprochement a été immédiat: «La France s’est figée de douleur et d’horreur en apprenant le supplice de la petite Lola. Une nouvelle fois, la suspecte de cet acte barbare n’aurait pas dû se trouver en France. Qu’attendez-vous pour agir afin que soit enfin stoppée cette immigration clandestine hors contrôle?», a asséné mardi la députée du Pas-de-Calais. La Première ministre Elisabeth Borne a aussitôt riposté par un appel «à la décence», que les chiffres fournis par l’administration sur les renvois d’étrangers en situation irrégulière auront néanmoins de la peine à soutenir.

Exactement 16'819 clandestins ont quitté le territoire français en 2021, sur une population estimée à plusieurs centaines de milliers par l’ancien préfet Patrick Stefanini, expert reconnu de l’immigration même s’il est nettement classé à droite sur le plan politique. En 2020, épidémie de Covid oblige, ce nombre plafonnait à 13'403 éloignements. A titre de comparaison, 5961 requérants d’asile et étrangers ont quitté la Suisse par voie aérienne sous la surveillance des autorités (contre 6137 en 2018), selon le Rapport fédéral sur la migration.

Les chiffres français sont bien inférieurs à ceux de pays comme le Royaume uni ou l’Allemagne. Une impasse migratoire accentuée par les difficultés rencontrées pour renvoyer les citoyens de certains pays comme l’Algérie. «Le blocage des expulsions, point épineux des relations franco-algériennes», titrait le quotidien de gauche français «Libération» le 10 octobre dernier, lors de la visite à Alger d’Elisabeth Borne.

Les dangers politiques d’une «Marche Blanche»

Faut-il relier le meurtre de Lola à cette réalité migratoire que la France a le plus grand à affronter? Non. L’itinéraire de la jeune femme suspecte, qui a passé une partie de son enfance en banlieue parisienne à Bry-sur-Marne, n’est pas comparable à celui des mineurs abandonnés qui errent de squares en squares dans la capitale. L’enquête policière n’a pas non plus fourni tous les éléments pour comprendre le déroulement de cette effroyable tuerie.

Le fait qu’une «marche blanche» soit en revanche envisagée dans la capitale, et qu’elle soit exploitée par les dénonciateurs habituels des méfaits de l’immigration clandestine, est en revanche une donnée susceptible de faire monter la température sociale dans un pays tourmenté par les grèves et de plus en plus fracturé. Une première manifestation de soutien organisée à Paris en mémoire de Lola aura déjà lieu ce jeudi. Eric Zemmour, comme Marine Le Pen, sont annoncés. Des élus de droite pourraient aussi en être, malgré les distances prises par la famille avec cette surenchère politique.

Lola avait 12 ans. L’engrenage fatal qui lui a coûté la vie dans des conditions atroces est aujourd’hui l’otage de polémiques que le gouvernement français ne peut ni ignorer, ni calmer, vue l’ampleur du malaise national autour de l’immigration. Cette tragédie française vient, vendredi 14 octobre, dans une résidence du 19e arrondissement de Paris, d’incendier encore plus le climat politique ambiant.

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