Evolution aux Etats-Unis
La Cour suprême maintient pour l'instant l'accès à la pilule abortive, mais les dissensions parmi les juges de la Cour suprême sont toujours de mise.

La Cour suprême des Etats-Unis maintient pour l'instant l'accès complet à la pilule abortive
Publié: 22.04.2023 à 08:36 heures
La Cour suprême avait été saisie en urgence par le gouvernement de Joe Biden après la décision d'un juge fédéral texan (archives).
Photo: Jacquelyn Martin

La Cour suprême des Etats-Unis a décidé vendredi de maintenir de manière temporaire l'accès à une pilule abortive utilisée pour plus de la moitié des IVG dans le pays. Elle suspend ainsi les restrictions décidées par des tribunaux inférieurs. Le gouvernement fédéral avait saisi la Haute cour en urgence pour faire suspendre ces jugements, ce que le temple du droit a accordé. Seuls deux juges conservateurs de la Cour, Clarence Thomas et Samuel Alito, ont fait savoir leur désaccord vendredi avec la décision prise à la majorité des neuf juges du collège.

La décision de la Cour suprême signifie notamment que les Américaines vont pouvoir continuer à recevoir par voie postale la mifépristone, le nom de la pilule abortive, dans les États où l'IVG reste légale. Il s'agit de l'intervention la plus importante de la Cour sur la question de l'avortement depuis qu'elle a annulé la garantie constitutionnelle à l'IVG en juin 2022. Mais la bataille judiciaire autour de la pilule abortive va se poursuivre, déchaînant de vives passions.

Nouvelle audience en mai

Évitant de se réjouir ouvertement de cette victoire d'étape, le président démocrate Joe Biden a aussitôt réagi à une annonce bloquant pour le moment des mesures «qui auraient sapé le jugement médical de l'Agence fédérale des médicaments (FDA) et mis en danger la santé des femmes». L'organisation de planning familial Planned Parenthood a jugé qu'il s'agissait d'une «bonne nouvelle», mais que «les faits restent les mêmes: l'accès à la mifépristone n'aurait jamais dû être menacé en premier lieu.» L'un des groupes conservateurs et anti-IVG à l'origine de l'affaire, Alliance Defending Freedom, a au contraire dit que la FDA devait «rendre des comptes pour les dégâts qu'elle a causés».

«Notre affaire, qui cherche à faire passer la santé des femmes avant la politique, continue devant les tribunaux inférieurs», a-t-il écrit. Une audience est prévue devant une cour d'appel à la Nouvelle-Orléans le 17 mai. Plus de cinq millions d'Américaines ont déjà pris de la mifépristone depuis son autorisation par la FDA il y a plus de 20 ans.

Tribunal contre tribunal

Le casse-tête judiciaire a commencé lorsqu'un juge fédéral au Texas, connu pour sa foi chrétienne, ses positions ultra-conservatrices et nommé par Donald Trump, a retiré le 7 avril l'autorisation de mise sur le marché de la mifépristone après avoir été saisi par des militants anti-avortement. En dépit du consensus scientifique, il a estimé qu'elle présentait des risques pour la santé des femmes. Une cour d'appel à la Nouvelle-Orléans, saisie par le gouvernement fédéral, a ensuite permis que la pilule abortive reste autorisée, mais en limitant les facilités d'accès accordées par la FDA au fil des ans.

Son jugement revenait à interdire l'envoi par la poste de la mifépristone et à retourner à une utilisation limitée à sept semaines de grossesse, au lieu de dix. Le gouvernement fédéral a alors saisi en catastrophe la Cour suprême. Cette dernière a temporairement maintenu il y a une semaine l'accès à la pilule abortive, en suspendant la décision de la cour d'appel afin d'avoir plus de temps pour examiner le dossier. Compliquant encore l'affaire, un juge fédéral siégeant dans l'État de Washington, nommé par Barack Obama, avait estimé juste après la décision de son collègue au Texas que la mifépristone était «sûre et efficace» et avait interdit à la FDA de retirer son agrément dans 17 États et dans la capitale.

Aide du Canada

La première suspension décidée par la Cour suprême valait jusqu'à mercredi juste avant minuit. Mais signe probable des désaccords autour de la question, le juge Samuel Alito a indiqué mercredi qu'elle était prolongée de 48 heures, jusqu'à «23h vendredi 21 avril». La Cour pouvait, au choix, décider de suspendre les décisions des cours inférieures, les maintenir, s'emparer de l'affaire ou au contraire refuser de s'impliquer. Une coalition de médecins anti-avortement avait exhorté mardi la Haute cour à laisser la décision de la cour d'appel en place, assurant que la mifépristone était risquée pour la santé des femmes.

La pilule abortive n'est déjà plus disponible officiellement dans une quinzaine d'États américains ayant récemment interdit l'avortement, même si des voies détournées se sont développées. L'impact de restrictions ou d'une interdiction de cette pilule concernerait donc en premier lieu les États où l'avortement reste légal, pour beaucoup démocrates.

Même au Canada voisin, l'affaire a provoqué l'inquiétude. La ministre canadienne de la Famille, Karina Gould, a réitéré que son pays entendait aider les Américaines si nécessaire. «Nous restons très déterminés à nous assurer que nous pouvons soutenir les femmes américaines si elles ont besoin de cet accès-là ici», a-t-elle dit jeudi à CTV

(ATS)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la