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Faux journal et fausses manchettes: la campagne se putréfie

À quelques jours de la votation sur la Loi Covid, une fausse édition spéciale de «20 minutes» a été distribuée dans les caissettes du quotidien. Un site internet similaire a été créé pour l'occasion. «On est au-delà de la parodie», estime l'avocat Nicolas Capt.
Publié: 26.11.2021 à 12:34 heures
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Dernière mise à jour: 26.11.2021 à 13:10 heures
Une fausse édition de «20 minutes» a été publiée ce vendredi matin.
Photo: DR
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Certains pendulaires ont probablement eu une surprise en prenant leur édition de ce vendredi de «20 minutes». Un autocollant était apposé avec la mention suivante: «Prenez 2 minutes pour réfléchir sur les décisions que le gouvernement nous impose pour endiguer l’épidémie de COVID-19. Faites-le pour vous. Faites-le pour vos enfants». Dans la caissette, le vrai quotidien bleu était en fait remplacé par une fausse «Édition spéciale Loi COVID».

Pour Nicolas Capt, avocat spécialisé en droit des médias, cette tromperie n'est pas à prendre à la légère: «C'est problématique, précise l'homme de loi. On est à un autre niveau que le fake d'Alain Berset qui a circulé ces derniers temps. Ici, l'objectif semble être d'instiller une vraie confusion. C'est précisément pour cela que nous sommes à mon sens au-delà de la parodie».

Site internet créé

À quelques jours de la votation sur la loi Covid du 28 novembre, cette situation montre la tension extrême qui règne autour de cette question. «Ce qui me dérange le plus, c'est peut-être l'aspect «édition spéciale», poursuit Nicolas Capt. Comme lorsque Google modifie sa page d'accueil pour une occasion particulière. C'est comme si le média en question avait fait un numéro spécial votation, c'est un moyen supplémentaire de créer de la confusion. Si l'on n'est pas attentif, il y a moyen de se faire avoir.» En plus de l’édition papier, un site internet a été créé. Là aussi, la ressemblance avec celui de «20 minutes» est saisissante.

Pour l'homme de loi, «20 minutes» aurait tout à fait le droit de réagir par la voie légale. «C'est une possible violation du droit à la marque, poursuit-il. On pourrait également envisager d’agir sur le plan de la concurrence déloyale.»

Philippe Favre, rédacteur en chef du quotidien, n’exclut pas une action en justice: «Pour chaque cas d’usurpation, nous étudions cette possibilité, précise-t-il. Mais encore faut-il savoir qui est derrière cette parution. Pour le site internet, nous savons qu’il est hébergé à l’étranger.» En fin de matinée, le site bidon avait été bloqué.

Philippe Favre tient tout de même à relativiser la portée de cette action. «D’après les premières indications que j’ai, il s’agit de quelques caissettes à Lausanne près de la gare et dans ses alentours ainsi qu’à Genève vers Plainpalais et dans les rues adjacentes. Je suis tout de même dérangé que 20 minutes soit utilisé pour faire campagne alors que, justement, nous tenons à notre neutralité et nous nous refusons à tout commentaire dans nos articles.»

La manière, en revanche, n’est pas à relativiser selon lui: «Ce qui me gêne le plus, c’est que nos caissettes n’ont pas seulement été utilisées pour faire circuler cette publication. Je trouve plus embarrassant le fait que cette publication ait été encartée à l’intérieur de nos journaux, ce qui met encore davantage le doute dans la tête des lecteurs».

L’UDC n’apprécie pas

Dans le camp du Non à la loi Covid, on se distancie de cette publication que l’on peut qualifier de «pirate». «Je m’inquiète de la tournure que prend le débat politique en Suisse depuis quelques années, précise d’emblée Kevin Grangier, président de l’UDC Vaudoise. Qu’importe le camp, d’ailleurs. On l’a déjà vu sur l’initiative des multinationales: la gauche – pour simplifier – était derrière une fausse publication. La Suisse a une démocratie riche et une culture vivante du débat même s’il est parfois dur, il doit rester toujours fair play.»

Pour lui, cette publication n’est même pas un soutien pour son camp. «Le sort de la votation est entre les mains de M. et Mme Schweizer, en d'autres termes les Suisses de la classe moyenne, probablement déjà vaccinés mais qui en ont marre de ces mesures. Eux, ils n’apprécieront pas ces méthodes et ces excès. Au moment de se décider pour le Oui ou pour le Non, cela pourrait faire pencher la balance de l’autre côté.»

«Le Temps» également touché

En début de semaine, c'est notamment «Le Temps» qui avait été victime d’un détournement de ses manchettes. «Le retour à la normale passe par un NON le 28 novembre», clamait le pastiche. Le quotidien a été obligé de se distancier de cette affichette semant le trouble.

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