Ce tuyau quasiment achevé et passant sous la mer Baltique reliera directement la Russie et l'Allemagne. Il privera l'Ukraine d'au moins 1,5 milliard de dollars par an qu'elle touche actuellement pour le transit du gaz russe par son territoire et d'un levier face à son adversaire russe.
Sans surprise, Nord Stream 2 a dominé les discussions entre Volodymyr Zelensky et la chancelière, qui avait à coeur une dernière fois de tenter de rassurer Kiev avant de quitter ses fonctions cet automne.
«Nous examinons ce projet uniquement dans l'optique de sécurité et le considérons comme une dangereuse arme géopolitique du Kremlin», a cependant remarqué Volodymyr Zelensky lors de la conférence de presse commune. «Les principaux risques avec l'achèvement de Nord Stream 2 pèseront sur l'Ukraine», a-t-il insisté.
Outre les pertes financières, Kiev craint que l'arrêt du transit puisse faciliter une éventuelle invasion, car la Russie n'aura plus à se soucier de l'infrastructure gazière ukrainienne pour alimenter ses principaux clients européens en gaz. Moscou a déjà fait monter la pression au printemps en massant des dizaines de milliers de soldats à la frontière.
La chancelière a elle rappelé avoir trouvé un compromis avec les Etats-Unis, qui tentaient de bloquer Nord Stream 2. Celui-ci doit empêcher que Moscou ne se serve du gazoduc pour affaiblir l'Ukraine, en prolongeant notamment le contrat de transit expirant en 2024.
«Nous sommes d'accord avec les Américains que le gaz ne doit pas être utilisé comme une arme géopolitique», a-t-elle dit, assurant comprendre «les grandes inquiétudes» de Kiev. Selon elle, le compromis germano-américain permettra «des sanctions» en cas de politique gazière belliqueuse de la Russie à l'égard de l'Ukraine.
Mme Merkel a aussi noté avoir demandé vendredi à Moscou au président Vladimir Poutine que l'accord de transit «soit prolongé». Mais le président Zelensky a estimé qu'il n'avait entendu jusqu'ici sur la question de la prolongation de ce contrat que «des choses d'ordre très général».
Zelensky a des doléances envers Merkel
Angela Merkel, qui s'apprête à tirer sa révérence après 16 ans au pouvoir, a enfin promis que ces engagements étaient «contraignants aussi pour de futurs gouvernements» allemands.
Alliée de l'Occident, l'Ukraine, ex-république soviétique, est le théâtre d'une guerre séparatiste pro-russe dans l'Est depuis 2014, déclenchée dans la foulée de l'annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée.
Si Kiev est reconnaissant à Mme Merkel pour son soutien face à Moscou sur ces dossiers, il lui reproche d'avoir exclu du champ des sanctions européennes la question gazière.
Sur la guerre dans l'Est, la chancelière a une nouvelle fois plaidé en faveur de la poursuite des pourparlers de paix, tout en reconnaissant des résultats pour l'instant «non satisfaisants». Malgré une forte baisse d'intensité, des combats continuent de tuer et le règlement politique est au point mort.
«La Russie est directement impliquée dans ce conflit», a relevé Mme Merkel, rejetant les démentis du Kremlin à ce sujet, et estimant que c'est pour cela que les pourparlers de paix «tournent en rond».
Co-médiatrice avec la France dans ce conflit, l'Allemagne a par contre toujours refusé de vendre des armes à l'Ukraine, au grand dam de cette dernière. «Nous comptons beaucoup» sur le changement de position de Berlin à ce sujet, a souligné dimanche M. Zelensky.
Enfin, beaucoup à Kiev se sont indignés du choix de la chancelière de ne pas participer lundi à une conférence internationale consacrée à l'annexion de la Crimée, événement d'envergure inédite pour l'Ukraine. Elle a souligné de son côté que son ministre de l'Energie serait présent et expliqué l'absence de son ministre des Affaires étrangères par la situation explosive en Afghanistan.