Crise migratoire
Face à la frontière bloquée, des migrants quittent le Bélarus

Des centaines de migrants irakiens ont quitté jeudi le Belarus en avion après avoir abandonné tout espoir de gagner l'Europe via la Pologne. Varsovie a barricadé sa frontière et arrêté une centaine de candidats à l'exil.
Publié: 18.11.2021 à 21:17 heures
Les migrants irakiens sont arrivés à Erbil en fin de journée.
Photo: GAILAN HAJI

Un appareil de la compagnie Iraqi Airways, qui avait décollé de Minsk dans l'après-midi avec 431 personnes à bord, a atterri vers 17h00 suisses à Erbil, au Kurdistan irakien, ont indiqué les autorités.

De nombreux enfants et femmes se trouvaient à bord de ce vol de rapatriement, le premier depuis le début de la crise migratoire à la frontière entre le Belarus et la Pologne et qui a été organisé, selon Bagdad, «sur la base du volontariat».

Des milliers de migrants, originaires principalement du Proche-Orient, sont bloqués depuis plusieurs jours dans une forêt froide et humide à la frontière, espérant rejoindre les riches pays d'Europe occidentale.

L'UE s'insurge de la politique biélorusse

Signe des drames humains se déroulant dans cette zone, l'ONG Centre polonais d'aide internationale a déclaré jeudi y être intervenue auprès d'un couple syrien qui a dit avoir perdu son fils d'un an. Affirmant suivre ces «nouvelles tragiques», le président du Parlement européen David Sassoli a déclaré qu'il était «déchirant de voir un enfant mourir dans le froid aux portes de l'Europe».

Le Bélarus, qui est accusé d'avoir orchestré cet afflux en délivrant des visas pour se venger de sanctions occidentales, a affirmé jeudi que 7000 migrants se trouvaient sur son territoire, se disant prêt à «rapatrier» 5000 d'entre eux.

Minsk a aussi assuré que la chancelière allemande Angela Merkel, qui s'est entretenue mercredi avec le président bélarusse Alexandre Loukachenko, allait négocier avec l'UE un «corridor humanitaire» pour évacuer les 2000 migrants restants vers l'Allemagne. Berlin «n'a pas donné son accord à cela», a démenti une source gouvernementale en Allemagne.

Jeudi, les grandes puissances du G7 ont «condamné l'orchestration par le régime bélarusse» de cette crise migratoire, sommant Minsk d'y mettre un terme «immédiatement» et d'autoriser l'accès à l'aide humanitaire.

Des troubles à la frontière polonaise

En attendant, sur le terrain, les tentatives de traversée de la frontière continuaient. Varsovie a annoncé jeudi avoir interpellé une centaine de personnes qui avaient tenté de pénétrer illégalement sur son territoire la nuit précédente.

Le ministère polonais de la Défense a accusé les «forces spéciales» bélarusses d'avoir «forcé les migrants à jeter des pierres sur les soldats polonais afin de détourner leur attention».

Une vidéo diffusée par le ministère de la Défense montre des soldats polonais entourant un groupe important de migrants accroupis par terre la nuit dans une forêt, près d'une clôture de fils de fer barbelé. L'incident n'a pas pu être vérifié de manière indépendante, car les journalistes sont interdits de la zone frontalière immédiate du côté polonais.

Lors d'un autre incident, des séquences vidéo diffusées par les gardes-frontières bélarusses montraient un chien garde-frontière lituanien mordant un homme allongé sur le sol dans un sac de couchage.

Depuis le début de la crise, en été, au moins onze migrants sont morts des deux côtés de la frontière, selon des organisations humanitaires.

Si Bruxelles a vivement critiqué le régime de Minsk, plusieurs responsables européens ont néanmoins repris langue avec lui, suscitant l'inquiétude de Varsovie. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a dénoncé jeudi toute tentative d'entretiens officiels avec le régime de M. Loukachenko, estimant que cela reviendrait à le «légitimer».

Mme Merkel a eu cette semaine deux conversations téléphoniques avec M. Loukachenko, dont la réélection l'an dernier n'a pas été reconnue par les Occidentaux, qui ont dénoncé des fraudes massives. Minsk a affirmé mercredi que ces discussions avaient abouti à un accord sur l'organisation de pourparlers Bélarus-UE.

Mais cette annonce a été immédiatement nuancée par Berlin et la Commission européenne, qui ont évoqué une coopération entre Minsk et l'UE pour fournir une aide humanitaire aux migrants coincés à la frontière par des températures glaciales. La Russie, qui appuie M. Loukachenko, a salué le dialogue direct entre l'UE et le Belarus.

(ATS)

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