Tout dans les préparatifs de la Maison Blanche dit le haut degré de tension autour de cette vidéoconférence qui se tiendra à 10h00 à Washington, 18h00 à Moscou.
D'abord, le choix du lieu: la «Situation Room», salle ultra-sécurisée d'où l'exécutif américain pilote les interventions militaires sensibles.
La presse n'y a pas accès. Il n'y aura donc pas de photographies ni d'amabilités échangées devant les journalistes, comme lors d'un récent sommet virtuel de Joe Biden avec son homologue chinois Xi Jinping, qui s'était tenu dans un salon de la Maison Blanche.
Difficile, ensuite, de ne pas voir un symbole dans le déplacement très matinal mardi du président américain au mémorial de la Seconde Guerre mondiale à Washington. Joe Biden s'y est recueilli en mémoire du 80e anniversaire de l'attaque de Pearl Harbor, ce tournant majeur dans l'histoire américaine.
Le Kremlin dément tout projet d'invasion
Son ambition d'établir une relation «stable» et «prévisible» avec la Russie, exprimée en juin lors d'un sommet en personne entre les deux hommes à Genève, semble avoir vécu, au moins pour le moment.
Washington, l'Otan et Kiev accusent Moscou de masser des troupes à la frontière avec l'Ukraine en vue d'attaquer le pays. Le scénario rappelle 2014 et l'annexion russe de la péninsule de Crimée, puis le déclenchement dans l'est ukrainien d'un conflit armé qui a fait plus de 13'000 morts.
Le Kremlin dément tout projet d'invasion. Et Moscou reproche à Washington de négliger ses propres préoccupations: l'activité accrue des pays de l'Otan en mer Noire, la volonté ukrainienne de rejoindre l'alliance atlantique et l'ambition de Kiev de s'armer en Occident.
«La Russie n'a jamais eu l'intention d'attaquer qui que ce soit mais nous avons des lignes rouges», a assuré lundi le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Crainte d'une escalade
Beaucoup d'observateurs, en Europe et aux Etats-Unis, pensent que Vladimir Poutine bluffe avec le déploiement de forces aux frontières de l'Ukraine, mais peu écartent complètement l'hypothèse d'une attaque.
Si Moscou devait passer à l'acte, un haut responsable de la Maison Blanche a prévenu que les Etats-Unis «répondraient favorablement» à une demande de présence militaire américaine accrue en Europe de l'Est et soutiendraient davantage l'armée ukrainienne.
Washington brandit aussi la menace de sanctions économiques contre le régime russe. Et assure qu'elles seraient plus douloureuses que celles qui se sont empilées sans grand effet sur la Russie depuis 2014.
«Nous savons bien que la partie américaine a une addiction aux sanctions», a ironisé mardi le porte-parole du Kremlin.
Joe Biden, qui a qualifié Vladimir Poutine de «tueur», se doit de gérer habilement la crise ukrainienne, lui qui a déjà irrité les alliés traditionnels des Etats-Unis avec le retrait chaotique d'Afghanistan.
Le président américain a pris soin de discuter lundi avec des dirigeants européens, dont ceux de la France et de l'Allemagne, pour insister sur leur «détermination» commune à défendre la souveraineté ukrainienne.
Il rendra également compte de son entretien avec Vladimir Poutine au président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s'est agacé ces derniers mois du refus des Occidentaux d'accélérer l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan.
La tenue de ce sommet virtuel Biden-Poutine est déjà un succès pour la Russie, qui se veut une puissance géopolitique incontournable et arrache ainsi au moins temporairement le président américain à sa grande priorité stratégique, la rivalité avec la Chine.
Cela faisait quelques semaines que le Kremlin réclamait un face-à-face entre les deux présidents.
Au-delà de l'Ukraine, la stabilité stratégique et le contrôle des armements nucléaires, les piratages informatiques et la cybersécurité, ou encore le nucléaire iranien, sont autant de sujets susceptibles d'être débattus mardi.
«Il est clair que lorsque deux présidents vont vers le dialogue, c'est qu'ils veulent débattre des problèmes et ne visent pas l'impasse», a relevé Dmitri Peskov. «Mais il ne faut pas s'attendre à des percées» immédiates, a-t-il prévenu.
(ATS)