A huis clos
Début du procès pour espionnage du journaliste américain Gershkovich en Russie

La première audience dans le procès à huis clos du journaliste américain Evan Gershkovich s'est déroulée mercredi dans un tribunal d'Ekaterinbourg, dans l'Oural. Il est détenu en Russie depuis 15 mois pour des accusations d'espionnage, qu'il rejette.
Publié: 26.06.2024 à 17:47 heures
Les autorités russes n'ont jamais étayé leurs accusations contre ce correspondant du Wall Street Journal
Photo: STRINGER
Les autorités russes n'ont jamais étayé leurs accusations contre ce correspondant du Wall Street Journal
Photo: STRINGER
sda-logo.jpeg
ATS Agence télégraphique suisse

Les autorités russes n'ont jamais étayé leurs accusations contre ce correspondant du Wall Street Journal et ont gardé secret le contenu du dossier.

EvanGershkovich, 32 ans, a été interpellé en mars 2023 en plein reportage à Ekaterinbourg par les services de sécurité russes (FSB), devenant le premier journaliste occidental depuis l'époque soviétique à être accusé d'espionnage en Russie.

Le reporter est apparu mercredi dans un box vitré du tribunal régional de Sverdlovsk, le crâne rasé et portant une chemise sombre à carreaux. Il a souri aux journalistes qu'il reconnaissait, leur adressant un «salut» à peine audible, selon une équipe de l'AFP sur place. La presse a eu un bref accès à la salle d'audience avant le début de ce procès à huis clos.

Après cette première comparution, une porte-parole du tribunal, Irina Tochtcheva, a précisé que la prochaine audience aurait lieu le 13 août et que la presse ne serait pas autorisée à filmer à nouveau le journaliste avant l'énoncé du verdict, à une date encore indéterminée.

En détention provisoire à Moscou

Contacté par l'AFP, le service de presse du service fédéral des prisons (FSIN) a refusé de dire où Evan Gershkovich - jusqu'alors en détention provisoire à Moscou, à 1400 km d'Ekaterinbourg – sera maintenu en détention d'ici à cette nouvelle audience.

Seuls son avocat ou ses proches «peuvent fournir cette information», a répondu le FSIN. Il a aussi affirmé ne pas savoir pourquoi Evan Gershkovich avait désormais le crâne rasé, s'il s'agissait de la coupe réglementaire des prisonniers ou d'une décision personnelle.

Dans un communiqué, l'ambassade des Etats-Unis à Moscou a affirmé que ses représentants avaient pu assister mercredi à une courte partie de l'audience.

«Pendant ce laps de temps, les autorités russes n'ont présenté aucune preuve corroborant les accusations», a-t-elle dénoncé, réaffirmant que le journaliste était détenu «illégalement» et utilisé comme «monnaie d'échange» par la Russie «pour atteindre des objectifs politiques».

Les enquêteurs assurent que Evan Gershkovich, qui a aussi travaillé pour l'AFP à Moscou de 2020 à fin 2021, a collecté des informations sensibles pour la CIA sur l'un des principaux fabricants russes d'armements, l'entreprise Ouralvagonzavod. La Russie n'en a jamais fourni publiquement la moindre preuve.

Ouralvagonzavod produit notamment des chars T-90 utilisés en Ukraine et ceux de nouvelle génération Armata, ainsi que des wagons de marchandises.

Evan Gershkovich rejette les accusations

Evan Gershkovich, son employeur et ses proches rejettent fermement ces accusations, tout comme Washington, estimant que Moscou a fabriqué l'affaire afin d'échanger le journaliste contre des Russes détenus par les Occidentaux.

Le Wall Street Journal a écrit mercredi que le reporter, arrêté selon lui pour avoir «simplement fait son travail» et qui encourt jusqu'à 20 ans de prison, faisait face à «des accusations montées de toutes pièces» et à «un simulacre de procès».

«Evan est un journaliste et le journalisme n'est pas un crime», a quant à elle martelé la famille de M. Gershkovich dans un communiqué diffusé le même jour. «Nous exhortons le gouvernement américain à continuer à faire tout son possible pour ramener Evan à la maison maintenant».

Ce dernier a passé sa détention provisoire dans la prison moscovite de Lefortovo, administrée par le FSB, mais est jugé à Ekaterinbourg, où il a été arrêté.

Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a, pour sa part, une nouvelle fois refusé, mercredi, de s'exprimer sur un éventuel échange de prisonniers.

Un échange prévu?

Un haut responsable diplomatique russe, Sergueï Riabkov, avait affirmé la semaine dernière que Moscou avait fait une proposition à Washington en vue d'un tel échange, sans révéler le contenu de cette offre.

Mercredi, Sergueï Riabkov, cité par l'agence de presse Interfax, a appelé les Etats-Unis à étudier «sérieusement» les «signaux» envoyés par Moscou à ce sujet.

Le président russe Vladimir Poutine a déjà reconnu que des négociations étaient en cours et sous-entendu qu'il exigeait la libération de Vadim Krassikov, condamné à la prison à vie en Allemagne pour avoir assassiné à Berlin en 2019, pour le compte de la Russie, un ex-commandant séparatiste tchétchène.

La Russie détient plusieurs autres Américains, dont la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée en 2023 pour une infraction à la loi sur les «agents de l'étranger», et l'ex-marine Paul Whelan, qui purge une peine de 16 ans de prison pour espionnage, une accusation qu'il conteste.

Fils d'émigrés juifs partis d'URSS, Evan Gershkovich a grandi dans le New Jersey et travaillait en Russie depuis 2017 pour plusieurs médias.

Il avait dit en 2023, dans une lettre à son journal, «ne pas perdre espoir».

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la