Le frère du maire de Kiev au WEF
«Si la Suisse reste passive, elle aura du sang sur les mains»

Il a été champion du monde de boxe, aujourd'hui, il se bat pour son pays, l'Ukraine. Wladimir Klitschko, le frère du maire de Kiev, est arrivé dimanche à Davos pour le WEF. Dans une interview accordée à Blick, il explique ce qu'il attend de la Suisse.
Publié: 23.05.2022 à 06:14 heures
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Dernière mise à jour: 23.05.2022 à 12:05 heures
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Wladimir Klitschko est arrivé dimanche à Davos.
Photo: Philippe Rossier
Lea Hartmann

De la guerre en Ukraine aux montagnes grisonnes: le contraste doit être saisissant pour Wladimir Klitschko. L’Ukrainien, connu pour sa carrière de boxeur, est l’un des invités vedettes du Forum économique mondial (WEF) de Davos, qui débute aujourd’hui. Dimanche après-midi, il a atterri en hélicoptère, peu avant l’arrivée de son frère Vitali, le maire Kiev. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, fait également partie de la délégation ukrainienne qui a quitté Kiev pour Davos.

Blick a rencontré Wladimir Klitschko pour une interview juste après son arrivée à Davos. En costume noir, le badge du WEF autour du cou, il se presse au point de rendez-vous convenu devant l’hôtel où il loge. Il n’est pas venu seul, un garde du corps se tient discrètement en arrière-plan. L’ancien champion des poids lourds reste très concentré pendant l’entretien. Son regard est direct, tout comme ses propos.

Blick: Wladimir Klitschko, vous êtes un combattant. Après trois mois de guerre, vous sentez-vous encore combatif?
Pour un combattant, ce qui compte ce n’est pas seulement la combativité, mais surtout la volonté. Et cette volonté, la mienne et celle de toute l’Ukraine, est forte. Nous non plus, nous ne nous attendions pas à ce que la Russie attaque et que nous soyons entraînés dans cette guerre insensée.

Vous n’avez pas de fonction politique à proprement parler – à quel titre avez-vous fait le déplacement?
En tant qu’activiste, je dirais. Avec mon passé de sportif, j’ai le privilège d’être reconnu et écouté. Le mois dernier, par exemple, je me suis rendu en Allemagne où j’ai rencontré le chancelier Olaf Scholz pour parler des livraisons d’armes et de l’embargo sur le gaz, le charbon et le pétrole. Je fais simplement ce que je peux faire pour mon pays. Pour que cette guerre cesse.

Champion du monde de boxe et docteur en sciences du sport

Wladimir Klitschko, 46 ans, est l’un des Ukrainiens les plus en vue. Il est, non seulement, considéré comme l’un des boxeurs les plus célèbres de tous les temps. En 2017, le double champion du monde des poids lourds – «Dr. Steelhammer» sur le ring – a mis sa carrière sportive entre parenthèses. L’Ukrainien est également titulaire d’un doctorat en sciences du sport. Aujourd’hui, ce multimillionnaire est entrepreneur et dirige son propre cursus de management à l’université de Saint-Gall. Il est père d’une fille (7 ans) et a vécu plusieurs années en Allemagne. Depuis le début de la guerre, Wladimir Klitschko milite aux côtés de son frère aîné Vitali, ancien champion de boxe et maire de Kiev, en faveur de son pays à l'international.

Wladimir Klitschko, 46 ans, est l’un des Ukrainiens les plus en vue. Il est, non seulement, considéré comme l’un des boxeurs les plus célèbres de tous les temps. En 2017, le double champion du monde des poids lourds – «Dr. Steelhammer» sur le ring – a mis sa carrière sportive entre parenthèses. L’Ukrainien est également titulaire d’un doctorat en sciences du sport. Aujourd’hui, ce multimillionnaire est entrepreneur et dirige son propre cursus de management à l’université de Saint-Gall. Il est père d’une fille (7 ans) et a vécu plusieurs années en Allemagne. Depuis le début de la guerre, Wladimir Klitschko milite aux côtés de son frère aîné Vitali, ancien champion de boxe et maire de Kiev, en faveur de son pays à l'international.

Quels sont vos objectifs lors de votre visite au WEF?
Cela fait maintenant trois mois que nous sommes en guerre et nous avons toujours autant besoin de soutien. Il sera très difficile de parvenir à vaincre seul. Nous devons faire front commun contre cette guerre absurde. Car si nous tombons, vous tomberez aussi. Il n’y a pas que des représentants de l’économie à Davos, mais aussi de nombreux dirigeants d’États. Il est très important de les convaincre de soutenir l’Ukraine, et ce sur le plan financier, humanitaire et militaire.

Ces derniers mois, vous avez demandé à de nombreuses reprises que l’Occident livre des armes à l’Ukraine. L’Ukraine ne reçoit-elle toujours pas assez de soutien à cet égard, selon vous?
Tant que cette guerre se poursuit, cela n’est pas suffisant. Plus de 2000 missiles se sont déjà abattus sur le sol ukrainien. Des milliers et des milliers de civils ont été assassinés. Des infrastructures ont été détruites. C’est la terreur que fait régner la Russie en Ukraine.

Comment la Suisse peut-elle, et doit-elle, soutenir l’Ukraine?
Il est très important que la Suisse ne reste pas simplement passive sur la ligne de touche. Si elle se contente d’observer, elle aura aussi du sang sur les mains. La Russie doit être isolée économiquement et de toutes les façons possibles. Tout commerce avec la Russie signifie que le pays reçoit davantage d’argent pour financer l’invasion. Et donc pour financer des armes qui nous tuent aujourd’hui, nous les Ukrainiens. C’est pourquoi il est important de s’élever contre cette guerre.

La Suisse est une plaque tournante pour le gaz et le pétrole russes. Vous pensez donc que nous devons y mettre un terme?
Le monde doit montrer à la Russie que nous faisons bloc contre cette guerre. En ce qui concerne le pétrole et le gaz, il faut un embargo. Et il est nécessaire de parler de nouvelles mesures – et c’est ce qui se passera au WEF. Mais laissez-moi ajouter encore quelque chose…

Oui?
Je m’en rends compte avec ce conflit: la pire des armes, ce sont les médias. Vos collègues qui ne diffusent pas des faits comme vous, mais des mensonges. Aujourd’hui, lorsque j’allume la télévision en Suisse et que je regarde les chaînes russes, j’entends dire que tous les Ukrainiens sont des nazis et des fascistes. Que l’existence de l’Ukraine est une erreur, et que la Russie va réécrire l’histoire. C’est ce que j’entends ici à la télévision!

La Suisse devrait-elle donc interdire les médias d’État russes?
Absolument, car c’est là que se fait la propagande. Le lavage de cerveau a également lieu ici en Suisse.

Jusqu’à présent, plus de 50’000 Ukrainiens ont cherché refuge en Suisse. Mais le plus grand parti suisse, l’UDC, exige désormais que seuls les Ukrainiens de l’est du pays puissent bénéficier d’une protection dans notre pays. Qu’en pensez-vous?
Des Ukrainiens ont perdu leurs proches, leurs enfants, leur maison. Des personnes ont été blessées et ont besoin d’aide. Je voudrais simplement remercier la Suisse d’avoir accueilli nos réfugiés. Croyez-moi: même s’il fait bon vivre en Suisse, tout le monde veut rentrer chez soi un jour. Mais pour l’instant, ce n’est pas possible, car ils n’ont plus de maison. Tout cela a été rasé par l’envahisseur.

On dit que vous seriez sur la «kill list» russe, la liste des personnes dont Wladimir Poutine veut se débarrasser. Êtes-vous effrayé?
Peu importe que vous soyez sur cette «kill list» ou non. Personne se trouvant actuellement en Ukraine, et défendant la liberté et les principes démocratiques, ne peut être sûr de survivre jusqu’au lendemain. Il est impossible de mener une vie sans danger là-bas. J’étais à Boutcha après que les forces russes ont quitté la petite ville. J’ai vu les corps de jeunes Ukrainiens, les mains liées dans le dos, à genoux, tués d’une balle dans la tête. J’ai vu un véhicule sur lequel figurait le mot «enfants» – aplati par un char. Ce qui restait de la famille était encore visible. Toutes ces personnes torturées puis assassinées, leurs dépouilles sont restées probablement dix jours sur la route. Ces images, cette odeur, je ne les oublierai jamais. Ici, en Suisse, et dans le reste de l’Europe, il est difficile de se représenter vraiment ce qui se passe en Ukraine. Mais c’est une réalité. Et si l’on croit la propagande russe, ce ne serait que le début.

(Adaptation par Jessica Chautems)

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