Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, voit une menace grandissante d'un «conflit direct» avec l'OTAN. A Genève, il a rencontré une délégation américaine. L'attractivité de la Genève internationale «fait partie du passé», a-t-il dit jeudi.
«La tendance est réellement dangereuse», a affirmé à la presse le numéro deux de la diplomatie russe. La menace d'un affrontement direct avec les Etats-Unis et leurs alliés «s'est accélérée ces derniers mois et dernières semaines». Et Sergueï Riabkov d'avertir les Occidentaux en cas de livraison d'armement plus létal, comme des avions de chasse.
Risque d'un affrontement entre Etats nucléaires
Le ton grave, le numéro deux de la diplomatie russe estime que certains ne prennent plus au sérieux «le sens du danger» lié aux armes nucléaires. Auparavant, devant la Conférence du désarmement (CD), il a lancé une nouvelle salve agressive contre les Etats-Unis et les pays de l'OTAN.
Il a accusé Washington de «tester la sécurité» des sites stratégiques russes, en aidant Kiev à les viser. Devant la presse, il a renchéri en affirmant qu'il ne faisait aucun doute que les Etats-Unis étaient en soutien lors d'assauts récents par drones, notamment dans la région de Saratov.
Un reproche qu'il élargit aussi au sabotage du gazoduc de North Stream, appelant à une investigation internationale indépendante. L'implication grandissante des Occidentaux fait courir «le risque d'un affrontement direct entre Etats nucléaires avec des conséquences catastrophiques», a-t-il ajouté devant la CD.
En cas de test américain, Moscou répondra
Sergueï Riabkov a répété les accusations russes d'utilisation militaire de composantes biologiques en Ukraine. Ni Kiev, ni les Etats-Unis n'ont apporté de réponse, a-t-il dit.
Le numéro deux de la diplomatie russe est revenu sur la suspension de la participation russe au traité New START de désarmement nucléaire. Il a répété que Moscou se conformerait toutefois aux limites décidées pour les armes nucléaires américaines et russes.
Signé en 2010, le New START a été prolongé pour cinq ans en 2021. Il contraint les deux pays à ne pas fabriquer plus de 1550 ogives opérationnelles. Selon Sergueï Riabkov, avec leur attitude en Ukraine, les Etats-Unis ont fait preuve de «cynisme» en demandant de pouvoir à nouveau mener des inspections sur les sites nucléaires russes.
Pour relancer l'accord, il faudrait «un changement vers le mieux» de l'activité américaine, selon Sergueï Riabkov. Notamment l'arrêt d'accusations infondées sur le nucléaire russe, dit-il.
Malgré ces tensions, le vice-ministre a admis avoir rencontré une délégation américaine à Genève. Et il a appelé le président Joe Biden à convaincre les sénateurs de ratifier le traité d'interdiction des essais nucléaires. En cas de test américain, Moscou répondra.
La Genève internationale n'est plus crédible
Autre certitude, le mécontentement contre l'attitude suisse sur l'Ukraine n'a pas changé. S'il estime que son chef Sergueï Lavrov a déjà tout dit là-dessus, le numéro deux de la diplomatie russe répète que «la Genève internationale comme capitale de la diplomatie internationale n'est plus la même».
Son attractivité comme plateforme de dialogue «fait partie du passé», ajoute-t-il. Symbole de cette défiance, il n'a pas rencontré la secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) Rebeca Grynspan pour parler du renouvellement dans deux semaines de l'accord pour l'exportation des céréales ukrainiennes.
Pendant que le vice-ministre parlait à la CD, les ambassadeurs de nombreux pays européens, britannique et des Etats-Unis à l'ONU ont entouré à l'extérieur de la salle leur collègue ukrainienne, en geste de solidarité. Ils n'ont pas fait le choix d'être présents puis de sortir, comme c'était le cas il y a un an avec le discours par vidéo de Sergueï Lavrov. «Riabkov n'est pas Lavrov, affirme à Keystone-ATS un diplomate occidental. Il faut ajuster la réaction à la personne qui fait le discours et à la situation.»
Appel par Anthony Blinken
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a lui à nouveau dénoncé les violations russes en Ukraine, par vidéo devant le Conseil des droits de l'homme. Il a ciblé le «musèlement systématique» des opposants en Russie, justifiant le mandat de rapporteur spécial de l'ONU lancé l'année dernière. De même, il faut renouveler la Commission d'enquête internationale sur l'Ukraine, selon lui. Au total, plus de 70'000 crimes de guerre ont été perpétrés par les Russes, selon Kiev.
De son côté, Sergueï Riabkov a répété ses reproches devant le Conseil et était le premier haut responsable russe à s'exprimer publiquement à l'ONU à Genève depuis le début de la guerre en Ukraine. Il a accusé les Occidentaux de «crimes de guerre» et de violations du droit international humanitaire (DIH). Face aux critiques contre la répression en Russie, il répond que Moscou honore la loi et ses obligations internationales.
(ATS)