La Chine ne va pas bien. La réputation du pays asiatique a fortement souffert sous la présidence de Xi Jinping et l'économie du pays traverse une période inhabituellement incertaine. Le marché immobilier chinois est en proie à une crise profonde et le yuan a récemment atteint un niveau historiquement bas. La politique du taux d'intérêt zéro a étouffé l'activité économique et celle du zéro-covid a laissé de profondes traces.
Comment la Chine en est-elle arrivée là? Brian Carlson, directeur du Center for Security Studies (CSS) de l'EPFZ explique à Blick: «Au cours des deux ou trois dernières années, il est apparu que Xi Jinping était prêt à sacrifier une certaine croissance économique pour renforcer en contrepartie le pouvoir du Parti communiste chinois, ainsi que le sien.»
Tout cela pourrait conduire à l'effondrement du pays. Pour Brian Carlson, la question n'est pas de savoir «si» et «quand», mais plutôt «comment»: «Il s'agit de voir si l'on va assister à un atterrissage brutal ou à un atterrissage en douceur», précise-t-il.
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Le «syndrome du pic de puissance»?
Il faut dire que la Chine n'est pas seulement confrontée à son économie, mais aussi au vieillissement de sa population. Selon le gouvernement, le pays comptait environ 1,41 milliard de citoyens en 2021. Il s'agissait probablement d'un pic. On s'attend à ce que la population diminue dès cette année. Selon les calculs, le nombre de Chinoises et de Chinois pourrait alors passer sous la barre du milliard à l'horizon 2080. Conséquence de ces projections: L'économie continue de se dégrader.
La politique de sécurité du pays pourrait également le précipiter dans l'abîme: «Peut-être que les problèmes intérieurs de la Chine l'obligeront à se replier sur elle-même et à limiter ses ambitions en matière de politique étrangère. L'effet inverse pourrait aussi s'observer: les dirigeants s'affirmeraient alors sur la scène internationale afin de détourner l'attention de la population sur les problèmes intérieurs», détaille Brian Carlson.
Les stratèges américains Hal Brands et Michael Beckley évoquent quant à eux un «syndrome du pic de puissance». Le ralentissement de la croissance économique de la Chine, ses problèmes politiques internes persistants, la puissance croissante de rivaux comme l'Inde et les efforts d'autres pays pour contrebalancer son ascension font peut-être que la puissance a atteint son apogée.
«Cela pourrait amener la Chine à penser qu'elle n'a plus qu'une petite fenêtre d'opportunité pour agir avant que les tendances de puissance ne se retournent contre elle», prévient également Brian Carlson. Si la Chine agit en désespoir de cause, cela devient dangereux.»
Une Chine instable devient imprévisible
L'incertitude économique de la Chine pourrait donc la conduire à prendre des risques. «On peut imaginer des scénarios dans lesquels la Chine pourrait agir par désespoir, craignant que sa puissance ait atteint son apogée», continue Brian Carlson. L'objectif serait «très probablement de faire de la Chine une puissance dominante en Asie et bien au-delà.»
Plusieurs services de renseignement ont averti que la Chine pourrait tenter de conquérir Taïwan par la force au cours des prochaines années. «Je pense que cela va devenir une préoccupation de plus en plus sérieuse», avertit l'expert. Comment endiguer ce risque? «La difficulté est de mettre en place une dissuasion contre la Chine et de ne pas la provoquer à une attaque à court terme, si elle craint que la fenêtre d'opportunité ne se referme.»
La Chine livrée à elle-même
Peter Bachmann, directeur de la chambre de commerce suisse à Shanghai, estime que le déclenchement d'une guerre est plutôt improbable: «Si une guerre devait éclater, le Parti communiste perdrait le soutien de la population et serait en outre isolé sur le plan international», explique-t-il à Blick. Les entreprises étrangères se retireraient de Chine, il y aurait des millions de Chinois au chômage et cela aurait des répercussions sur la chaîne d'approvisionnement du pays, mais aussi du monde entier.
Quelle est donc la solution aux problèmes chinois? Pour le pouvoir en place, la Chine doit retrouver sa force d'antan. «Actuellement, l'idéologie du parti communiste a clairement pris le dessus, continue Peter Bachmann. Mais le développement économique, le bien-être de la population, ainsi que les intérêts communs avec les pays voisins et la communauté internationale devraient avoir la priorité.» Faire passer l'économie avant l'idéologie serait alors préférable. Pour la Chine, comme pour le reste du monde.
«Nous savons que sans la Chine, rien n'est possible. Le monde est devenu trop dépendant d'elle», affirme Peter Bachmann. Il faudrait donc tenter tant bien que mal de continuer à intégrer la puissance dans la communauté internationale et la maintenir comme partenaire fiable. «Mais en fin de compte, la Chine ne peut s'aider que par elle-même», conclut le directeur de la chambe de commerce.
(Adaptation par Thibault Gilgen)