Cette demande sera discutée lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE fin août à Prague.
«Les Russes soutiennent massivement la guerre, applaudissent les frappes de missiles sur les villes ukrainiennes et les meurtres d'Ukrainiens. Laissons donc les touristes russes profiter de la Russie», a déclaré le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.
Le président Volodymyr Zelensky a réclamé aux Occidentaux la fermeture de leurs frontières aux Russes qui doivent «vivre dans leur propre monde jusqu'à ce qu'ils changent de philosophie», dans un entretien le 8 août au Washington Post. Un appel jugé «irrationnel» par le Kremlin.
Mesure inédite
Plusieurs pays ont pris les devants mais souhaitent une position unifiée de l'UE. Frontalière de la Russie, la Finlande, qui traite quelque 1000 demandes de visas par jour, a décidé de réduire à 10% le nombre de visas délivrés aux touristes russes à compter du 1er septembre.
Depuis la fermeture de l'espace aérien européen en réaction à la guerre, les Russes sont de plus en plus nombreux à se rendre dans ce pays pour transiter vers d'autres Etats de l'UE grâce à des visas Schengen de court séjour (90 jours par période de 180 jours).
Pour la Première ministre finlandaise, Sanna Marin, il «n'est pas juste que les citoyens russes puissent entrer en Europe, dans l'espace Schengen, faire du tourisme (...) pendant que la Russie tue des gens en Ukraine».
Cette mesure qui serait inédite «a peu de chance d'être adoptée par l'UE mais elle devrait séduire une bonne partie des opinions publiques, au-delà des pays historiquement méfiants envers la Russie», estime Cyrille Bret, de l'institut Jacques-Delors.
Régime de visa déjà durci
Les 26 pays de l'espace de libre circulation Schengen (22 Etats de l'UE, plus Norvège, Islande, Suède et Liechtenstein) ont reçu 3 millions de demandes de visas en 2021, les Russes étant les plus nombreux (536'000 demandes avec environ 3% de refus).
Les refus, susceptibles de recours, doivent être motivés (menace pour la sécurité, l'ordre public ou les relations internationales de l'un des Etats).
L'Estonie a déploré ne pas pouvoir interdire l'entrée «aux personnes munies d'un visa d'un autre pays de l'espace Schengen». «Visiter l'Europe est un privilège, pas un droit humain», a lancé sa Première ministre Kaja Kallas.
La République tchèque, qui occupe la présidence tournante de l'UE, mettra cette question au menu de la réunion des ministres des Affaires étrangères européens les 30-31 août à Prague. «En cette période d'agression russe, que le Kremlin ne cesse d'intensifier, il ne peut être question de tourisme comme à l'ordinaire pour les citoyens russes», a soutenu le ministre des Affaires étrangères tchèque Jan Lipavsky, dont le pays ne délivre plus de visas aux simples ressortissants.
A l'instar de Prague, les Pays baltes et la Pologne ont durci depuis le début de l'offensive leur régime de visas pour les Russes (arrêt total ou pour les seuls touristes), avec des exceptions (humanitaires, études, travail).
Une contrainte à la liberté de mouvement?
Pour le chancelier allemand, Olaf Scholz, une limitation des visas touristiques pénaliserait «tous les gens qui fuient la Russie parce qu'ils sont en désaccord avec le régime russe». Les sanctions doivent d'abord viser à «pénaliser la machine de guerre russe et non le peuple russe», abonde le Portugal.
«L'UE se contredirait elle-même. Cette mesure est contraire à la liberté de mouvement et à la politique de sanctions suivie jusqu'à présent», souligne l'expert de l'institut Jacques-Delors.
Quant à la Commission européenne, elle met en avant la nécessité de protéger pour des raisons humanitaires les dissidents, journalistes et familles, rappelant que les demandes doivent être examinées au cas par cas. Les propositions de sanctions sont une prérogative de la Commission, dont la priorité est l'unité du bloc face au Kremlin. Leur adoption exige l'unanimité des Vingt-Sept.
Depuis le déclenchement du conflit, l'UE a suspendu partiellement les facilités de délivrance de visas de court séjour dans le cadre d'un accord UE-Russie, en interdisant l'accès à certaines catégories liées au régime russe (délégations officielles, membres du gouvernement, détenteurs de passeport diplomatique, chefs d'entreprise...). Helsinki souhaite une suspension totale de cet accord.
L'UE a en outre déclaré persona non grata 1214 responsables, dont le président Vladimir Poutine.
(AFP)