Un pilote en direct du front
Voilà comment les vieux hélicoptères ukrainiens résistent à Bakhmout

Dans sa lutte contre les forces russes, l'Ukraine utilise entre autres des hélicoptères de combat. Les pilotes effectuent des missions quotidiennes pour repousser les troupes de Vladimir Poutine. L'un d'eux, Petro, raconte ses vols et comment il a survécu jusqu'ici.
Publié: 13.03.2023 à 21:56 heures
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Un hélicoptère de combat Mi-8 de l'armée ukrainienne en plein vol.
Photo: AFP
Johannes Hillig

Trois hélicoptères de combat Mi-8 décollent d'une base secrète en Ukraine et se dirigent vers leur cible près de la ville de Bakhmout. Alors que les appareils s'approchent de leur objectif, ils se redressent soudainement, tirent leurs missiles puis reviennent vers la base. La cible se trouvait «sur une ligne de fortification ennemie composée de troupes au sol, de véhicules blindés et d'un dépôt de munitions», a déclaré à l'AFP l'un des pilotes, Petro, après l'intervention qui a duré environ 30 minutes.

Petro était en mission près de Severodonetsk, une ville conquise par l'armée russe au printemps dernier au nord-est de Bakhmout. Dans cette ville intensément disputée, les forces ukrainiennes sont désormais presque encerclées, mais résistent au prix de lourdes pertes de part et d'autre.

Depuis le début de l'invasion russe, il y a un peu plus d'un an, les pilotes ukrainiens effectuent quotidiennement des missions dangereuses à bord de leurs vieux hélicoptères Mi-8 et Mi-24. Petro, âgé de 23 ans, a déjà bouclé une cinquantaine de missions de combat.

«Nous tirons 15 missiles de chaque côté»

«Avant le vol, nous choisissons notre itinéraire avec des applications spéciales, explique-t-il. Si la hauteur de vol atteint 180 mètres, ce qui est trop haut, alors nous cherchons des endroits qui sont plus bas.»

L'objectif est de voler à basse altitude, «pour ne pas être visible sur les radars russes et pour qu'ils ne sachent pas que nous arrivons, explique Petro, dont le visage est entièrement recouvert par son sweat à capuche, à l'exception de ses yeux. Quand nous sommes à 6200 mètres de la cible, nous nous redressons de 20 degrés, puis nous tirons les missiles, 15 de chaque côté.»

Ensuite, l'hélicoptère, avec un pilote et un copilote à bord, rebrousse chemin en volant toujours à basse altitude. L'itinéraire est alors différent de celui de l'aller – «pour ne pas tomber dans un piège» et être attaqué par la défense aérienne russe, précise Petro.

Système d'armement obsolète

Sur la ligne de front, des unités d'infanterie, informées au préalable du moment de l'attaque, font décoller un drone. Elles vérifient ainsi que la cible de l'attaque a été atteinte. Si ce n'est pas le cas, des corrections sont apportées en vue d'un nouveau bombardement.

Le système d'armement obsolète des hélicoptères ne comporte aucun système de guidage ou de visée. Par conséquent, il n'est précis qu'à 100 ou 200 mètres. «Au début de la guerre, nous n'avions pas encore de drones. Les missions étaient plus compliquées et moins efficaces», explique Petro. À partir de l'été passé, ils ont toutefois reçu des drones et d'autres équipements: «Aujourd'hui, nous atteignons plus souvent nos objectifs.»

La mission la plus difficile de Petro jusqu'à présent a eu lieu le 6 mars de l'année dernière dans la région de Mykolaïv, au sud de l'Ukraine: «Nous étions quatre hélicoptères et la cible était un long convoi de véhicules militaires» qui se dirigeait vers la centrale nucléaire de Zaporijia, désormais occupée par la Russie.

«Nous avons vu la cible à environ 2 kilomètres de distance. On nous a dit qu'elle ne bougeait pas, mais en fait, elle a bougé», se souvient Petro. Les Ukrainiens ont été visés: «Deux de nos hélicoptères ont été détruits, le troisième a été endommagé et j'ai eu de la chance d'être dans le quatrième. Je n'ai pas été touché.»

«Je sais exactement pourquoi je suis là»

Pour le jeune homme, «le plus difficile est la préparation, la prise de décision sur la manière de se comporter pendant le vol et la direction à prendre pour atteindre l'objectif, car on ne connaît pas le paysage avant de décoller, on ne peut être sûr de rien», explique-t-il.

Il n'a toutefois pas peur en cas d'attaque: «Dès que l'on démarre le moteur, la peur disparaît, puisque nous avons été formés pour cela, nous avons confiance en nous et en nos décisions.»

Les médias en ligne regorgent de vidéos d'interventions héliportées ukrainiennes, et les pilotes sont souvent célébrés comme des héros. Mais Petro pense aux soldats qui «souffrent beaucoup plus que nous, même s'ils nous saluent et nous soutiennent depuis le sol».

«Ils sont toujours en position. Même si nous prenons beaucoup de risques, il ne nous faut pas énormément de temps pour mener à bien une mission, reconnaît Petro. Quand je vois les gars au sol qui nous soutiennent, je sais exactement pourquoi je suis là.»

(Blick avec AFP)

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