Un président tétu. Obstiné. Convaincu que les Français doivent accepter d'entendre certaines vérités sociales. Ceux qui reprochent à Emmanuel Macron d'être «hors-sol» et d'ignorer les souffrances d'une partie de la population, en privilégiant sans cesse l'entreprise sur les gens, n'auront pas changé d'avis en écoutant son entretien télévisé du 14 juillet.
Tant pis pour eux. Le président français n'entend pas présider le dos au mur, même si l'absence de majorité parlementaire lui complique bien plus la tâche qu'il ne le reconnaît. Reste donc l'offensive, principalement sur la question du travail. «Nous devons travailler plus et plus longtemps», a-t-il crânement assumé devant les caméras. Un refrain entonné autrefois par un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy. Lequel en a ensuite électoralement payé le prix.
Un président ne devrait peut-être pas dire ça
Un président ne devrait peut-être pas dire ça. Mais Emmanuel Macron, 44 ans, a choisi de le dire. Il continuer d'estimer nécessaire, en France «une réforme du travail», après avoir fait adopter dès 2017 une série d'ordonnances pour simplifier la vie des employeurs dans un pays corseté par les charges sociales et les lois favorables aux salariés.
Risqué? Oui, dans le contexte politique actuel. Provocateur? Oui, lorsqu'il assume d'avoir en tant que ministre, en 2014-2015, aidé la plate-forme Uber à s'imposer sur le marché français au détriment des taxis. Et ce, malgré les révélations préoccupantes publiées ces jours-ci sur son lobbyisme à l'époque très actif et très discutable. Justifié? En partie.
La réforme du travail à l'agenda
Désormais clairement positionné au centre-droit de l'échiquier politique français, Macron a raison lorsqu'il affirme que le marché du travail a, dans son pays, trop longtemps «consisté à se battre pour la justice sociale en ignorant, entre autres, les jeunes des quartiers difficiles» auxquels Uber a donné un premier job. Il a raison aussi lorsqu'il répète, par deux fois, que le «modèle social français est l'un des plus généreux d'Europe», et que des contreparties sont indispensables pour le pérenniser en recréant des emplois, pour atteindre le seuil d'un chômage au dessous de 5% , contre 7,5% aujourd'hui.
La question est de savoir si ce qu'il dit peut aujourd'hui être entendu. Et si les réformes qu'il préconise peuvent être acceptées par le Parlement et par la rue. «La Constitution me le permet. J'irai s'il le faut devant les Français. Je leur soumettrai des projets», a-t-il poursuivi, évoquant de possibles référendums, comme Blick l'avait anticipé.
L'avertissement est à retenir. Le bras de fer avec «l'attelage baroque» des oppositions radicales de gauche et de droite à l'Assemblée nationale, pour reprendre le terme présidentiel, s'annonce sans merci. Avec, du coté de l'Elysée, l'arme de l'impossible budgétaire. «Est ce qu'on a de la marge avec la dette publique? Non», a-t-il affirmé devant les journalistes.
«Vous rigolez ou quoi...»
«Je n'ai pas un tempérament à être sous influence. (....) Vous rigolez ou quoi.... (...) De prétendues enquêtes (ndlr: sur Uber).» Le chef de l'État français, qui a de nouveau assumé avoir un jour dit à un jeune qu'il suffisait de traverser la rue pour trouver du travail, croit toujours en sa bonne étoile. Il ne lâche pas, non plus, l'idée controversée d'un Conseil national de la Refondation qui pourrait inclure, dès l'automne, des citoyens tirés au sort pour imaginer des solutions d'avenir.
Le problème, l'énorme problème, est que son volontarisme conquérant de 2017, soutenu par une large partie de la population est, cinq ans après, un volontarisme de président assiégé. L'autre problème est que la guerre en Ukraine, dont il est certain qu'elle va «réserver des mois difficiles ces été et en hiver», ne s'arrêtera pas sur un coup de fil de sa part à Vladimir Poutine.
Promettre de remettre les Français au boulot de cette façon, avec ces mots, en cette période troublée d'inquiétude et de désaffection croissante pour sa personne, revient à prendre le risque d'une confrontation nationale maximale au nom des exigences économiques et de l'intérêt supérieur du pays. Une option combative contre laquelle une partie importante des électeurs français, radicalisés dans leur hostilité à son égard comme l'ont montré les récentes législatives, ne demandent qu'à riposter. Dans la France du «toujours plus», le choc du «travailler plus» est programmé.
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