Si Poutine ferme le robinet
«On peut s'en sortir sans gaz russe, mais cela aura un prix»

L'issue de la crise russo-ukrainienne est très incertaine. Vladimir Poutine envisagerait de couper brutalement le robinet du gaz russe pour faire pression sur l'Occident. La Suisse pourrait être touchée par les conséquences.
Publié: 23.02.2022 à 14:49 heures
En cas d'escalade à la frontière russo-ukrainienne, le transport de gaz naturel à travers l'Ukraine s'arrêterait probablement aussi.
Photo: keystone-sda.ch
Fabio Giger et Martin Schmidt

Les Suisses peuvent se chauffer cet hiver – et notamment grâce au gaz russe. 47% du gaz qui circule dans nos chaudières provient du sol russe. Si la situation s’aggrave à la frontière russo-ukrainienne, les pays occidentaux continueront à punir la Russie par des sanctions. En contrepartie, Poutine pourrait fermer le robinet de gaz. Toute l’Europe aurait alors un énorme problème de gaz – la Suisse aussi.

La Suisse n’a pas de réserves naturelles de gaz, ni de dépôts de gaz: le pays est entièrement dépendant du gaz naturel étranger. «Mais la Suisse est très bien intégrée au réseau international de gazoducs», explique Thomas Hegglin de l’Association suisse de l’industrie gazière. Le gaz afflue en Suisse depuis le nord et le sud, depuis l’Italie, la France et l’Allemagne. Cela augmente fondamentalement la sécurité d’approvisionnement, selon l’expert.

La Suisse n’achète pas directement à la Russie

Il ne pense pas que la Suisse manquera de gaz. En effet, notre pays n’achète pas directement de gaz auprès des pays d’origine, elle ne négocie donc pas directement avec la Russie, mais auprès de ce que l’on appelle des points de vente en gros dans les environs. Là, de gros contingents sont achetés à différents fournisseurs à des prix et conditions spécifiques.

Le gaz utilisé en Suisse provient en partie de la Russie.
Photo: Blick Grafik

Mais les stocks de gaz en Europe sont insuffisants. Le groupe public russe Gazprom a nettement moins rempli les réservoirs en Allemagne et en Autriche que les années précédentes. Moscou utilise son gaz comme moyen de pression politique.

Gaz liquide: la sécurité pour un prix élevé

Afin d’atténuer le risque de pénurie, la Commission européenne s’est entretenue avec d’importants exportateurs de gaz liquide. Il s’agit notamment des États-Unis, du Qatar ou de l’Égypte. Ils devraient envoyer des bateaux-citernes remplis de gaz liquide en direction de l’Europe en cas de réductions sensibles de la part de la Russie. La Suisse pourrait également en profiter. Mais le gaz liquide est plus cher que le gaz de gazoduc. Thomas Hegglin: «Nous pouvons nous en sortir sans le gaz russe, mais cela aura un prix.»

Andreas Tresch, de l’entreprise de conseil Enerprice, a une vision plus critique de la situation de l’approvisionnement. Selon lui, «les quantités manquantes pourraient éventuellement n’être couvertes que de manière limitée par le gaz liquide». Lui aussi s’attend à une nouvelle hausse des prix – et à une détente de la situation en été seulement.

L’industrie peut aussi se rabattre sur le pétrole

L’augmentation du prix du gaz n’est pas une nouveauté. Ces dernières semaines, les tarifs ont déjà explosé en Suisse. Actuellement, le gaz naturel coûte environ deux fois plus cher qu’il y a deux ans. Les locataires et les propriétaires sont sans défense face à la hausse des prix. En Suisse, un ménage sur cinq se chauffe au gaz.

L’industrie est également une grande consommatrice: «Certaines entreprises disposent d’installations dites bicombustibles qui peuvent, en cas de besoin, passer rapidement du gaz naturel au mazout», explique Thomas Hegglin de l’Association de l’industrie gazière. Une mesure qui peut être mise en œuvre en cas de pénurie et qui permet d’assurer l’approvisionnement en gaz d’autres clients.

(Adaptation par Lauriane Pipoz)

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