Selon un critique du Kremlin
«L'énergie est plus importante que la liberté des Ukrainiens»

Le journaliste critique Sasha Filipenko a dû s'exiler de Biélorussie. Il condamne fermement l'invasion de l'Ukraine menée par Vladimir Poutine avec le soutien indirect du président biélorusse, mais critique également les réactions «prévisibles» de l'Occident.
Publié: 24.06.2022 à 12:19 heures
1/7
Jusqu'au début de l'invasion de l'Ukraine, Sasha Filipenko travaillait pour la chaîne de télévision russe indépendante Doschd.
Photo: Keystone

Pendant plusieurs années, Sasha Filipenko a travaillé pour la chaîne de télévision russe indépendante Doschd. Celle-ci a dû cesser ses activités peu après l’invasion de Vladimir Poutine en Ukraine. Mais Sasha Filipenko n’est pas resté muet. Le Biélorusse, qui s’est réfugié à l’Ouest après le début de la guerre, continue de critiquer sévèrement la Russie.

«Il n’y a absolument rien de rationnel qui puisse expliquer les actions de Vladimir Poutine, déclare le journaliste et écrivain à la «NZZ». En fin de compte, son objectif est de rétablir une sorte d’Union soviétique, avec l’Ukraine, la Biélorussie, le Kazakhstan, et peut-être un jour les pays Baltes.»

«L'Occident fait exactement ce à quoi Poutine s'attendait»

Le journaliste n’est pas du tout satisfait de la réaction occidentale face à la guerre d'agression menée par le chef du Kremlin. «Au fond, l’Occident fait exactement ce à quoi Vladimir Poutine s’attendait. Le président russe n'est peut-être surpris que par l'ampleur des sanctions.» En outre, le maître de Moscou ne s’attendait pas à une résistance acharnée sur le terrain militaire.

Malgré la volonté de se battre des Ukrainiens et la sévérité inattendue des sanctions, Sasha Filipenko est déçu. Car «depuis le début de la guerre, des dizaines de milliards d’euros ont été versés à la Russie pour l’achat de pétrole et de gaz. Cela signifie que Vladimir Poutine peut compter sur le fait que l’énergie sera toujours plus importante pour les logements européens que la liberté des Ukrainiens et des Russes.»

Pas de perspectives positives pour la suite du conflit

Au niveau domestique, Vladimir Poutine jouit également d'un avantage décisif. Les sanctions extrêmement sévères auxquelles font face les critiques du régime - ou tout simplement de la guerre en Ukraine - suffisent «à intimider les gens au point qu'ils n'osent plus sortir dans la rue», explique le journaliste biélorusse.

Sasha Filipenko ne fait pas de pronostic positif pour la suite de la guerre de la Russie. «Il (ndlr: Vladimir Poutine) ira aussi loin que l’Europe lui permettra d’aller. Et mon sentiment actuel est que l'Europe ne s'opposerait pas frontalement si le président russe s'emparait des pays qui faisaient auparavant partie de l'Union soviétique.»

«Je ne peux pas faire plus qu’émigrer»

En raison de ses opinions critiques, Sasha Filipenko était déjà une épine dans le pied des gouvernements russe et biélorusse avant la guerre d’Ukraine. «En 2020, une procédure pénale a été engagée contre moi en Biélorussie et je risquais très certainement d’être arrêté à mon entrée sur le territoire, explique-t-il. Depuis lors, je ne m'y rends plus.»

Sasha Filipenko ne peut donc plus retourner dans son propre pays. Et même en exil dans un pays plus à l'Ouest, il ne vit pas en sécurité. Comme il l'affirme: «Je ne peux pas faire plus qu’émigrer, tout le reste est hors de mon contrôle.» (obf)

(Adaptation par Quentin Durig)


Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la