Si son déplacement sur ce territoire revendiqué par la Chine a duré moins de 24 heures, Nancy Pelosi a déclenché la fureur de Pékin en étant la plus haute responsable américaine élue à se rendre à Taipei en 25 ans.
Assurant venir «en paix» dans la région, Nancy Pelosi a toutefois martelé que les Etats-Unis n'abandonneraient pas l'île, dirigée par un régime démocratique et qui vit sous la menace constante d'une invasion par l'armée chinoise.
«Ceux qui offensent la Chine devront être punis, de façon inéluctable», lui a rétorqué, à distance, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi.
En réaction, Pékin lance à partir de jeudi midi (04h00 GMT) de vastes exercices militaires dans plusieurs zones autour de l'île de Taïwan, au niveau de routes commerciales très fréquentées.
Ils incluent «des activités d'entraînement, y compris des exercices de tir à munitions réelles», selon des médias d'État. Par mesure de sécurité, l'Administration chinoise de la sûreté maritime a «interdit» aux navires de pénétrer dans les zones concernées.
Ces exercices auront lieu dans toute une série de zones encerclant Taïwan – parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises – et dureront jusqu'à dimanche midi.
«Légitime défense»
Les autorités de l'île ont dénoncé ce programme, soulignant qu'il menace la sécurité de l'Asie de l'Est.
«Certaines des zones des manoeuvres de la Chine empiètent sur (...) les eaux territoriales de Taïwan, a déclaré Sun Li-fang, le porte-parole du ministère taïwanais de la Défense. Il s'agit d'un acte irrationnel visant à défier l'ordre international.», a-t-il estimé.
«Il n'existe aucune justification à utiliser une visite comme prétexte à des activités militaires agressives dans le détroit de Taïwan», ont estimé pour leur part les chefs de la diplomatie des pays riches du G7 (Etats-Unis, Japon, France, Allemagne, Italie, Canada, Royaume-Uni) dans un communiqué conjoint. «Voyager à l'étranger est normal et fait partie de la routine pour les parlementaires de nos pays», ont-ils ajouté.
Pékin affirme de son côté que ces exercices – ainsi que d'autres, plus limités, démarrés ces derniers jours – sont «une mesure nécessaire et légitime» après la visite de Nancy Pelosi.
«Ce sont les Etats-Unis qui sont les provocateurs, et la Chine qui est la victime. La Chine est en situation de légitime défense», a assuré à la presse Hua Chunying, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Si l'hypothèse d'une invasion de Taïwan, peuplée de 23 millions d'habitants, reste peu probable, elle s'est amplifiée depuis l'élection en 2016 de l'actuelle présidente Tsai Ing-wen.
Issue d'un parti indépendantiste, Tsai Ing-wen refuse, contrairement au gouvernement précédent, de reconnaître que l'île et le continent font partie «d'une même Chine».
Les visites de responsables et parlementaires étrangers se sont également multipliées ces dernières années, provoquant l'ire de Pékin.
En réponse, la Chine du président Xi Jinping, qui se veut intraitable sur les questions de souveraineté, cherche à isoler diplomatiquement Taïwan et exerce une pression militaire croissante sur l'île.
«Nette escalade»
Résultat: le détroit de Taïwan devient désormais le théâtre de dangereuses tensions entre les Etats-Unis, les autorités taïwanaises et le pouvoir chinois, contraint de projeter une image d'intransigeance à l'approche du congrès du Parti communiste chinois (PCC).
Organisé à l'automne, ce congrès verra sauf cataclysme Xi Jinping réélu à la tête de l'organisation pour un troisième mandat.
La Chine n'a toutefois aucune envie que la situation actuelle dégénère, déclarent des experts à l'AFP.
«Ils sont prudents et ne veulent surtout pas d'escalade incontrôlée», déclare à l'AFP Chong Ja Ian, spécialiste des questions de sécurité à l'Université nationale de Singapour. «Il y a des limites à ce qu'ils sont prêts à faire».
«Une guerre accidentelle» provoquée par un incident «est la dernière chose que souhaite Xi Jinping» avant le congrès du PCC, estime Titus Chen, professeur de sciences politiques à l'université nationale Sun Yat-Sen à Taïwan
Pour Amanda Hsiao, analyste Chine au cabinet de réflexion International Crisis Group, ces exercices militaires qui débutent jeudi «représentent une nette escalade par rapport à la norme des activités militaires chinoises autour de Taïwan et à la dernière crise du détroit de Taïwan en 1995-1996».
«En agissant ainsi, Pékin indique qu'il rejette toute souveraineté» des autorités taïwanaises sur l'île, souligne-t-elle.
(AFP)