Qui a peur du sabotage intérieur?
En Ukraine, une Armée de l'ombre combat les troupes de Poutine

La ville de Kherson est désormais entièrement aux mains des Russes. Mais une Armée de l'ombre agit pour l'Ukraine en coulisses, et organise la résistance. Le but? Saboter les installations, et rendre les Russes parano, entre autres actes de maquis.
Publié: 30.07.2022 à 06:04 heures
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«Kherson: les partisans voient tout». D'immenses panneaux «publicitaires» menaçants s'élèvent au-dessus de la ville occupée par la Russie.
Photo: Twitter / @MrMikeyM
Chiara Schlenz

«Kherson: les partisans voient tout». D'immenses panneaux «publicitaires» menaçants s'élèvent au-dessus de la ville occupée par la Russie. Installés par l'Armée de l'ombre ukrainienne, un réseau d'agents et d'informateurs agissant secrètement pour l'Ukraine, ils ont pour but de rendre nerveux les occupants russes .

Selon la chaîne britannique BBC, il n'y a pratiquement pas de soldats de l'ombre ukrainiens à Kherson. La plupart d'entre eux se trouvent à Mykolaïv, qui est la première grande ville dans la région encore contrôlée par l'Ukraine et, depuis peu, le quartier général des résistants sur le front sud.

La rébellion dans les territoires occupés par les Russes ne se limite toutefois pas forcément à des partisans sélectionnés et organisés entre eux. «La résistance, elle n'est pas seulement composée d'un groupe, mais de nous tous», déclare un combattant de l'ombre anonyme, dont le pseudonyme est Sasha.

Repérer les troupes russes

Ces partisans se battent pour empêcher que la domination russe sur Kherson ne devienne permanente: ils veulent par exemple empêcher un référendum, que Moscou semble planifier prochainement. La Russie a déjà introduit le rouble et ses propres réseaux de téléphonie mobile dans la région, et injecte sa propagande dans les foyers ukrainiens via les chaînes de télévision publiques.

Peu avant cette guerre, l'Ukraine avait cependant renforcé ses forces spéciales, notamment pour créer et diriger un potentiel mouvement de résistance. Une brochure PDF a même été publiée pour expliquer comment être un bon partisan. L'on y trouve des instructions précises pour réaliser des actes de sabotage comme crever les pneus de l'occupant, ajouter du sucre dans le réservoir d'essence ou encore refuser d'obéir aux ordres au travail.

«Bien sûr qu'ils ont peur»

Sasha et son équipe ont toutefois une toute autre mission: pister les mouvements de troupes russes à l'intérieur de Kherson. «Disons que nous avons par exemple repéré une nouvelle cible hier. Nous envoyons alors les informations à l'armée, et dans un jour ou deux, elle aura disparu», explique-t-il.

Sacha décrit ses «agents» comme des Ukrainiens qui «n'ont pas perdu l'espoir de la victoire, et veulent que notre pays soit libéré». N'ont-ils pas peur des Russes? «Bien sûr qu'ils ont peur, répond-il à la BBC. Mais servir leur pays est plus important.»

Aux côtés de Sasha travaille une équipe qui fait voler des drones au dessus de la ville occupée pour repérer des cibles pour l'armée. Ce ne sont pas des soldats mais des civils, tous volontaires et collectant des fonds via les réseaux sociaux pour financer leur coûteux équipement.

La chasse aux «collaborateurs» ukrainiens

Certains autochtones ont toutefois changé de camp pour aider les Russes à leur arrivée. C'est pourquoi l'équipe de Sacha a créé une base de données sur ces «collaborateurs», en s'appuyant sur les informations fournies par les services de sécurité. «Pour que personne ne puisse prétendre plus tard qu'il était du bon côté alors que ce n'était pas le cas», explique-t-il.

Mais l'Armée de l'ombre cherche aussi à intimider directement les traîtres. Les partisans sont encouragés à accrocher devant les maisons des collaborateurs des affiches menaçantes sur lesquelles figurent le visage de la personne et un cercueil, ou une affiche «Wanted» offrant une forte récompense pour sa mort.

«A part les mots traître et racaille, je n'ai plus rien à dire sur eux, a déclaré Sasha à la BBC. Ce sont nos ennemis.»

«Ils peuvent prendre le pays, mais ils n'auront pas les gens»

Une tentative explicite de reprise de Kherson est imminente, selon la chaîne anglaise. Les attaques ukrainiennes ont de nouveau augmenté, tant en nombre qu'en impact, car des armes plus puissantes fournies par l'Occident sont arrivées dans la région, et y feraient une différence.

«Ils peuvent prendre le pays, mais ils n'auront pas les gens, scande Sasha. Les Russes ne seront jamais en sécurité à Kherson, parce que les gens ne veulent pas d'eux là-bas. Ils ne les aiment pas. Ils ne les accepteront pas.»


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