Au procès de Salim B. devant la cour criminelle de Paris, le «violeur de Tinder», comme l'a surnommé la presse, ses avocats ont plaidé vendredi «l'impossibilité de se défendre» face aux accusations de viol et agressions sexuelles de 17 femmes, mais supplié la cour criminelle de Paris de prendre le temps de «douter de sa culpabilité».
Durant ces deux semaines d'audience effectivement, dit son avocate Me Irina Kratz, il y a bien eu un sentiment de «solitude» de ce côté de la barre. Parce que Salim B., photographe d'aujourd'hui 38 ans accusé d'avoir violé ou agressé sexuellement à l'occasion de shootings photos ces femmes rencontrées sur les réseaux sociaux ou sites de rencontres entre 2014 et 2016, est «seul» face à ces plaignantes, venues nombreuses tous les jours.
Avocats impuissants
Seul aussi face à l'accusation qui a requis une peine lourde de 19 ans de réclusion criminelle la veille (le maximum encouru est de 20 ans), et même seul face à une «cour emmurée», si souvent «agacée» par l'accusé. «Quand il ne répond pas on lui reproche, quand il parle c'est de la logorrhée verbale»... «Il est coincé», avance l'avocate. Elle le rappelle, avec son confrère Me Ambroise Vienet-Legué, ils ont pourtant pris leur précautions. «Renoncé sagement» à interroger certaines plaignantes quand elles étaient trop émues, toujours prévenu les parties civiles qu'elles pouvaient refuser leurs questions.
«On n'est pas de la génération d'avocats qui font pleurer les plaignantes à la barre en le mettant devant leurs contradictions», résume Mme Kratz. Et pourtant «quand on pose des questions, on nous dit que c'est insupportable qu'il nie l'évidence face à 17 personnes». Quand ils veulent souligner des «contradictions» dans des récits, on leur répond que c'est «indécent» de «pinailler sur des détails».
Éléments contradictoires
Sauf que la défense de Salim B. ne peut pas être définie comme «indécente par essence», juste «parce qu'elle met en doute la parole des plaignantes, aussi nombreuses soient-elles», insiste Me Kratz. «Comment se défendre de la parole d'une femme sans passer pour indécent ? Comment enquêter à charge et décharge sur les accusations d'une femme si on ne peut pas se poser de savoir si ce qu'elle dit est vrai ou faux», poursuit-elle.
Alors les avocats de Salim B. reprennent longuement les éléments. Les résultats de toxicologie qui ne prouvent selon eux aucune «soumission chimique» de ces plaignantes certaines d'avoir été droguées. Relisent les messages envoyés par certaines jeunes femmes après les rendez-vous: «J'aimerais te revoir, je voudrais te proposer un resto», «merci pour ce super shoot, à bientôt, bisous».
Les plaignantes ont ainsi réécrit l'histoire?
«Ce n'est pas anodin», martèle sa défense. Ils rappellent encore que la grande majorité a porté plainte plusieurs mois après le rendez-vous, après un appel à témoin visant Salim B. largement relayé sur les réseaux sociaux. L'accusé affirme que les plaignantes ont ainsi réécrit l'histoire, et se sont «persuadées» à tort qu'elles avaient été violées alors que la relation était selon lui consentie.
Quand l'accusation a décrit «un groupe» de femmes victimes d'un mode opératoire identique, Me Viennet-Legué demande à la cour de séparer chaque histoire. «Pour chacun de ces faits il y a des éléments qui diffèrent, et pour chacun de ces faits vous devez déterminer si Monsieur B. est coupable». «Il faudra aussi partir avec les droits de la défense de votre délibéré», conclut Me Kratz. «Il ne vous demande pas de le croire, il vous demande de douter de sa culpabilité». L'audience reprend cet après-midi avec les derniers mots de Salim B. «Ce sera la vingtième fois que vous prendrez la parole pour vous défendre», lui précise le président Thierry Fusina.
Le verdict sera rendu dans la soirée.
(AFP)