Prison à vie pour trahison
Hong Kong durcit son arsenal répressif avec une nouvelle loi sur la sécurité

Hong Kong s'est doté d'un nouvel arsenal répressif qui sanctionnera durement la trahison ou l'insurrection.
Publié: 19.03.2024 à 16:24 heures
Le parlement hongkongais s'est exprimé à l'unanimité en faveur de la nouvelle loi.
Photo: Daniel Ceng

Le Parlement local de Hong Kong a voté unanimement mardi une nouvelle loi sur la sécurité nationale qui prévoit la prison à perpétuité pour des infractions telles que la trahison ou l'insurrection, et suscite l'inquiétude en Occident. «Ce jour est un moment historique pour Hong Kong», a déclaré le dirigeant du territoire, John Lee, précisant que la loi entrerait en vigueur le 23 mars.

Le texte adopté par le Conseil législatif vient compléter la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020 après les grandes manifestations de l'année précédente en faveur de la démocratie à Hong Kong. La nouvelle loi énumère cinq catégories d'infractions en plus de celles punies par le texte de 2020: la trahison, l'insurrection, l'espionnage et le vol de secrets d'Etat, le sabotage mettant en péril la sécurité nationale, la sédition et l'"interférence extérieure».

Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Union européenne ainsi que les milieux d'affaires et les défenseurs des droits de l'homme s'étaient inquiétés d'une loi qui va restreindre encore davantage les libertés à Hong Kong, et avaient demandé aux législateurs de prendre plus de temps pour en examiner l'impact. Mais le Conseil législatif (LegCo) de Hong Kong, qui ne comprend pas de représentant de l'opposition, a débattu du texte de façon accélérée et ses 89 membres ont approuvé la loi, appelée «article 23», à l'unanimité.

Piloté par Pékin

L'Organisation des Nations unies s'est dite mardi «profondément troublée» par les ambiguïtés d'un texte adopté selon elle dans une «précipitation» alarmante. Le Haut Commissaire aux droits de l'homme Volker Türk a mis en exergue, dans un communiqué, des dispositions vagues qui «pourraient conduire à la criminalisation d'un large éventail de comportements protégés par le droit international (...), notamment la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et le droit de recevoir et transmettre des informations».

Le Bureau national de la sécurité de Hong Kong, géré par Pékin, a de son côté assuré qu'un «nombre extrêmement faible de personnes» risquait d'être condamné au titre de cet article 23. Près de 300 personnes ont jusqu'à présent été arrêtées à Hong Kong au titre de la loi sur la sécurité nationale, et des dizaines de responsables politiques, militants et autres personnalités publiques ont été emprisonnés ou contraints à l'exil. Selon John Lee, cette nouvelle législation était nécessaire pour combler les lacunes laissées par la loi de 2020.

Il a également cité à plusieurs reprises la «responsabilité constitutionnelle» de Hong Kong de voter cette loi, comme l'exige selon lui la Loi fondamentale, la mini-Constitution qui régit l'île depuis sa rétrocession par la Grande-Bretagne à la Chine en 1997. La loi «permettra à Hong Kong de prévenir, d'interdire et de punir efficacement les activités d'espionnage, les complots et les pièges mis en place par les services de renseignement étrangers, l'infiltration et le sabotage menés par des forces hostiles», a déclaré John Lee mardi.

Prison à vie pour sabotage

La nouvelle législation permettra également de «prévenir efficacement la violence (...) et les révolutions de couleur», a-t-il dit en référence aux manifestations pro-démocratie de masse qui ont débuté en 2019. Le responsable, sanctionné par les États-Unis pour sa gestion des manifestations en tant que chef de la sécurité, a qualifié la loi de «verrou efficace», au moment où les autorités cherchent à lutter contre les «menaces des forces extérieures et du terrorisme local».

Le texte prévoit des peines allant jusqu'à la prison à vie pour le sabotage mettant en danger la sécurité nationale, la trahison et l'insurrection, 20 ans pour espionnage et sabotage, et 14 ans pour «interférence extérieure». La loi élargit également la définition du crime de «sédition», datant de l'époque coloniale britannique, pour y inclure l'incitation à la haine contre les dirigeants communistes chinois, avec une peine aggravée pouvant aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

Comme la législation précédente de 2020, certaines infractions commises en dehors de Hong Kong relèveront de sa compétence. Lors de la rétrocession de 1997, Hong Kong s'était vu garantir certaines libertés, ainsi qu'une autonomie judiciaire et législative, pendant 50 ans, dans le cadre d'un accord intitulé «Un pays, deux systèmes».

Cet accord avait permis de renforcer le statut de centre financier mondial de la ville, grâce à un système judiciaire fiable et à des libertés politiques distinctes de celles du reste de la Chine. Le nouveau texte met fin à une grande partie des garanties juridiques dont bénéficiait Hong Kong, afin de s'aligner sur la législation de Chine continentale.

(AFP)

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