Donald Trump peut-il redevenir président des États-Unis? C'est la question qui occupe les Américains depuis sa défaite face à Joe Biden en novembre 2020. Lui-même pense n'avoir jamais perdu et avoir été victime d'une manipulation électorale. Donald Trump part donc du principe qu'il sera désigné par son parti lors des primaires à l'élection de 2024 et qu'il s'imposera ensuite face à Joe Biden ou tout autre candidat démocrate.
Mais dans l'État de Géorgie, la première étape du périple qui doit le mener à nouveau à la Maison Blanche se révèle déjà bien plus difficile que l'ex-président ne le pensait.
Des séquelles en Géorgie
Pour comprendre tout cela, revenons un peu en arrière. Depuis 30 ans, aucun candidat démocrate n'avait pu remporter la course à la Maison Blanche dans cet État du sud-est des États-Unis. Jusqu'à ce qu'en novembre 2020, Joe Biden ne renverse cette tendance et l'emporte avec une avance de près de 12'000 voix sur son rival. Le gouverneur républicain de Géorgie, Brian Kemp, a approuvé le vote. Mais Donald Trump n'a pas accepté ce résultat. Il a lui-même appelé Brad Raffensperger, le responsable du dépouillement en Géorgie, et a insisté pour qu'il recompte les voix.
Un extrait vidéo de l'appel a été publié par le «Washington Post». Vous trouverez ici la transcription de la conversation. «Les habitants de Géorgie sont en colère. Les gens du pays sont en colère. Il n'y a rien de mal à dire, tu sais, que vous devez recompter les voix. Il suffit de trouver 11'780 voix», déclare alors Donald Trump. Brad Raffensperger lui répond: «Eh bien, Monsieur le Président. Le problème, c'est que les données que vous avez sont fausses. Je ne peux pas dire que nous avons gagné sur la base de celles-ci.»
L'ex-président s'est alors entêté pendant de nombreuses minutes auprès de ses collègues de parti, mais rien n'y a fait. Il a donc perdu en Géorgie et a dû quitter la Maison Blanche. Depuis, il n'a pardonné à aucun de ses interlocuteurs leur «trahison». Et il a même forgé un plan de vengeance.
Échec cuisant des candidats de Trump
Cette semaine, les primaires républicaines pour le poste de gouverneur ont eu lieu en Géorgie. Dès le mois de mars, Donald Trump s'est donc rendu sur place et a annoncé qu'il présenterait son propre candidat: «Avant de pouvoir battre les socialistes et les communistes démocrates à l'automne, nous devons d'abord battre les Rino lors des primaires (ndlr: Trump appelle depuis peu ses opposants internes au parti les «Rino», pour «Republicans in name only»). Ici en Géorgie, nous allons éjecter le gouverneur Brian Kemp et le remplacer par un combattant sans peur: David Perdue.»
À lire aussi
David Perdue est peut-être intrépide. Mais il n'avait absolument aucune chance. Brian Kemp s'est assuré plus de 70% des voix et pourra désormais affronter en novembre son adversaire démocrate, Stacey Abrams. Une désillusion donc pour Trump, et ce n'est pas la seule.
Brad Raffensperger, ministre de l'Intérieur en exercice de Géorgie, devançait Jody Hice, également lancée dans la course par l'ex-président, lors des projections. Et ce de manière nette, avec plus de 50% des voix. Cela est surprenant, car il y a un an encore, les chances de Brad Raffensperger étaient considérées par beaucoup comme nulles. Mais apparemment, les électeurs républicains le préfèrent toujours à la candidate de Donald Trump, qui s'est présentée avec le même narratif que David Perdue: l'élection présidentielle de 2020 a été volée.
Mike Pence comme adversaire à l'élection présidentielle?
Donald Trump est en outre revenu de Géorgie avec un troisième échec: Brian Kemp était soutenu par Mike Pence, l'ancien vice-président du milliardaire. On lui prête désormais également des ambitions présidentielles. Lundi, Pence a déclaré: «Voter pour Kemp, c'est envoyer un message assourdissant à travers l'Amérique, à savoir que le parti républicain est le parti de l'avenir.» Mais il voulait aussi dire par là: un parti sans Trump. Mike Pence s'est détaché de Donald Trump en février, lorsqu'il a déclaré que ce dernier se trompait dans ses accusations de manipulation des élections. Il a également qualifié d'«anti-américaine» sa tentative de renverser par tous les moyens sa défaite électorale de 2020.
La Géorgie est jusqu'à présent le signal d'alarme le plus clair envoyé à Donald Trump. Il est sans doute plus éloigné qu'il ne le pensait de son objectif de redevenir président. Mais d'autres indicateurs semblent montrer que l'opération reconquête du pouvoir est en phase de tourner en vinaigre pour le républicain.
En effet, tout ne se passe pas non plus comme il le souhaite ailleurs qu'en Géorgie, en cette saison pré-électorale. Les républicains présentent actuellement dans tout le pays des candidats pour les élections au Congrès et aux postes de gouverneurs à l'automne. Donald Trump soutient certains d'entre eux afin de renforcer son propre pouvoir au sein du parti. Mais tous ne gagnent pas, notamment dans la lutte pour les sièges de gouverneur.
«Trump n'est pas un leader absolu»
La «NZZ» cite Elaine Kamarck du think tank Brookings, qui a dressé un bilan intermédiaire des primaires et indique: «Plus de 53% des candidats républicains publient sur leur site internet du matériel de campagne qui ne fait référence ni à Trump ni au trumpisme. Plus de la moitié d'entre eux se sont donc tenus à l'écart de Trump.» Selon Elaine Kamarck, cela signifie donc que l'ex-président «n'est pas un leader absolu au sein du parti républicain».
Les experts affirment toutefois que Donald Trump a toujours les meilleures chances d'être le candidat républicain en 2024. Mais avec Mike Pence, un adversaire sérieux se dresse désormais pour la première fois sur sa route. À la lumière de ce qu'il s'est passé en Géorgie, le milliardaire pourrait toutefois perdre du terrain bien avant d'affronter directement Joe Biden ou un autre démocrate.
(Adaptation par Thibault Gilgen)