Surtout, ne vous arrêtez pas de lire cette chronique à l’énoncé de ce mot: écrivain. Oui, Antoine Blondin était un écrivain. Un vrai. Un romancier. Un auteur de nouvelles. L’inspirateur de grands films du cinéma français tel «Un singe en hiver», avec Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo, en 1959. Écrivain: le mot ne signifie pas nécessairement ennui. Il ne signifie pas non plus que la littérature est en dehors du monde et indifférente aux passions populaires.
La preuve, Antoine Blondin, décédé le 7 juin 1991 à 69 ans, avait mis sa plume à l’unisson de l’un des plus grands rendez-vous sportifs annuels dont Blick vous raconte chaque étape: le Tour de France cycliste. Il en était le conteur. L’acrobate des mots. Le peintre des tempéraments. Il brossait le tableau des coureurs comme on ne le fait malheureusement plus aujourd’hui. Blondin aurait eu 100 ans cette année. Et s’il était encore vivant, c’est sûr: il serait à l’arrière d’une voiture, sur la route du Tour qui attaque ce week-end les Pyrénées. Avec, dans la ligne de mire de son stylo, le slovène Tadej Pogacar ou le danois Jonas Vingegaard, surprenant titulaire du maillot jaune depuis sa victoire au col du Granon, le 13 juillet.
Portraitiste attitré des légendes du vélo
Antoine Blondin fut le portraitiste attitré des légendes du vélo de l’après-guerre: Jacques Anquetil, Raymond Poulidor, Eddy Merckx… Ses chroniques, parues dans le quotidien sportif français «L’Equipe», avaient la saveur de l’époque. Les plus grands champions demeuraient accessibles. Blondin les accueillait à l’arrivée. Ils s’engueulaient. Trop souvent alcoolisé, l’écrivain finissait par s’emporter. Avant de se rabibocher.
Premiers papiers sur la grande boucle en 1954. Puis, le défilé des héros sur deux roues. Et des articles toujours tirés comme des coups de sabre. Pour trancher dans le vif. «Au diable la varice», «L’Eddy de Nantes», «Le Soulor de la peur»,… La superbe exposition qui lui est ces jours-ci consacrée dans la petite ville normande de Lyons-la-Forêt, où il habita, raconte ce talent foisonnant. L’impressionnisme littéraire à son meilleur, comme l’écrivain voyageur suisse Nicolas Bouvier sut l’être sur les routes, entre Genève et Téhéran, dans «L’usage du monde» (Ed. Payot). «Blondin aimait passionnément les coureurs car il aimait les vraies gens. Ce n’est pas le sport ou la performance qui le dévoraient. C’est l’envie. Cette envie folle dont les coureurs du Tour de France font preuve» raconte la journaliste Ariane Dollfus, qui a participé à l’organisation de cette exposition.
«Prendre le Tour de France en marche»
«Prendre le Tour de France en marche, c’est pénétrer dans une famille avec des gaucheries de fils adoptif, des réticences d’enfant de l’amour tard reconnu écrivait Antoine Blondin. Tout un rituel s’est instauré sans vous, dont on vous livre patiemment les clés. Vous apprenez à mettre des noms sur des visages, et ce sont les suiveurs… Des visages sur des numéros, et ce sont les coureurs…»
Bien sûr, cette époque-là est révolue. Tout, aujourd’hui, se raconte en direct. Les réseaux sociaux crépitent. Les images déferlent. Les commentaires scandent chaque kilomètre. Reste la magie des mots. Blondin fut l’écrivain de l’avant-transparence. Il fermait les yeux sur le dopage comme ceux qui le côtoyaient savaient oublier ses frasques. Vous aimez l’histoire du Tour? Relisez ses chroniques sur les frères Jean et Louison Bobet, Jacques Anquetil, Raphaël Geminiani, Eddy Merckx ou Raymond Poulidor… Ce dernier, éternel second de la grande boucle disparu en novembre 2019, lui vouait une sincère admiration. Le lisait-il? «Blondin était une figure au-delà de ses chroniques racontait récemment le quotidien L’Equipe. Il était la vie du Tour et la vie autour du Tour.»
Il ne s’agit pas de pleurer
Il ne s’agit pas de pleurer. De se dire que ce type de chroniques est révolu. Il s’agit de lire Blondin pour comprendre que les mots valent toutes les médailles et tous les résultats. Ils vous transportent dans la sueur, les rires et les larmes des coureurs. Bon anniversaire Antoine Blondin! Le Tour de France vous doit une partie de sa légende.
Cliquez ici pour en savoir plus sur l’exposition de Lyons-la-Forêt, «Antoine Blondin, une plume vagabonde».