En l'espace de dix jours, deux candidats aux élections législatives de juin se sont retrouvés sur le devant de la scène - et leurs partis respectifs sous le feu des critiques: l'un accusé de violences sexuelles, l'autre condamné pour violences envers son ex-campagne.
Le premier, Taha Bouhafs (gauche radicale), a annoncé la semaine dernière le retrait de sa candidature à Vénissieux (Rhône, Sud) peu avant la révélation d'une enquête interne de son parti.
Le second, Jérôme Peyrat, investi en Dordogne (sud-ouest) sous les couleurs du parti du président Emmanuel Macron (LREM), a annoncé mercredi le retrait de sa candidature.
Cet ancien conseiller des ex-présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, et d'Emmanuel Macron, a été condamné en septembre 2020 à une amende de 3.000 euros avec sursis pour violence envers une ex-compagne.
Ces deux cas avaient suscité l'indignation, notamment sur les réseaux sociaux, de militantes féministes et de membres de l'opposition.
«La médiatisation des violences sexistes voire sexuelles a évolué en faveur des femmes ces dernières années», estime Mérabha Benchikh, docteure en sociologie, qui relève une «plus grande visibilité de certaines plaintes à l'encontre d'élus, candidats ou responsables politiques.»
«L'apparition et l'utilisation - à la fois facilitée et excessive - des réseaux sociaux en sont un premier élément de lecture», poursuit-elle, tout comme «la quatrième vague féministe qui a oeuvré à dénoncer des agissements et des actes de violences à destination des femmes, comme MeToo ou les divers hashtags».
En dix ans, la situation a effectivement évolué concernant les réactions aux scandales impliquant des hommes politiques soupçonnés de viols, d'agressions ou de harcèlement sexuels.
En 2011, Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et favori socialiste pour la présidentielle de 2012, avait été arrêté à New York sur des accusations de tentative de viol. Sa famille politique avait globalement fait bloc autour de lui.
Depuis, les lignes ont bougé. Des personnalités politiques, à l'image de l'ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, ont été contraintes de se retirer de la vie publique après des accusations de viols ou de harcèlement sexuels.
Mais d'autres décisions, notamment celle d'Emmanuel Macron de nommer Gérald Darmanin ministre de l'Intérieur, alors que ce dernier faisait l'objet notamment d'une plainte pour viol - le parquet de Paris a requis un non lieu dans cette affaire en janvier - passent mal auprès des organisations féministes et d'une partie de l'opposition.
Face à ce constat, près de 300 femmes travaillant dans le milieu politique et universitaire ont appelé à l'automne dernier à «écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes».
Des voix se sont également élevées dans certains collectifs féministes pour demander d'écarter, le temps de l'enquête, les hommes politiques accusés de violences sexuelles mais pas encore condamnés.
Une perspective rejetée par le chef de l'Etat qui, tout en affirmant respecter «l'émoi et la colère» des féministes, met en avant le principe de présomption d'innocence et s'élève contre «la République du soupçon et du doute».
Pour Alice Coffin, féministe et élue parisienne écologiste, les choses ont certes changé depuis l'époque où «DSK» pouvait «pendant des années prospérer sans que rien, jamais, ne sorte.»
«Maintenant, dans pas mal de cas, c'est dit, c'est relayé, c'est su, il y a une pression. Mais on n'est pas dans un contexte où les choses sont réglées», poursuit-elle. «Normalement il devrait y avoir une action immédiate. On est dans un entre-deux».
«La vraie victoire, c'est quand les partis feront le travail en interne et n'investiront plus des personnes mises en cause pour violences sexistes et sexuelles», renchérit Fiona Texeire, co-fondatrice de l'Observatoire des violences sexuelles en politique et collaboratrice d'élus de gauche.
Pour Mme Benchikh, si des «cellules d'écoute et de recueil de plainte» ont été mises en place dans plusieurs organisations politiques, il demeure «des disparités dans les plans d'actions» des partis.
«Le champ politique français, par nature androcentré et sexiste, a longtemps exclu les femmes. Que la parole se libère davantage de ces rapports de domination est nouveau, voire à ses balbutiements», ajoute la chercheuse.
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