L'Occident a gelé la fortune de nombreux méga-riches russes. Fini le luxe des grandes villes européennes, les hôtels parisiens et les yachts en Méditerranée. L'espoir est de faire plier les fidèles de Vladimir Poutine, d'augmenter la pression sur le Kremlin et de forcer la Russie à mettre fin à la guerre.
Mais l'Occident est assez seul dans cette politique. De nombreux pays ne participent pas aux sanctions. Parmi eux: Israël, îlot relativement occidental au Moyen-Orient. Pas étonnant, donc, que les oligarques s'y ruent. L'argent russe afflue dans le pays alors que les milliardaires achètent avidement des immeubles de luxe. Sans même prêter attention au prix. «Ce qui se passe en ce moment est fou», déclare l'agent immobilier Shira Orion au magazine allemand «Der Spiegel».
Sanctions mort-nées en Israël
Le gouvernement avait pourtant souligné qu'il ne voulait pas devenir un havre de paix pour les Russes fortunés. «Aucun moyen de contourner les sanctions ne passera par Israël», avait affirmé le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid. Pour le prouver, un groupe de travail a été mis en place pour se pencher sur les sanctions. Un projet qui a vite pris du plomb dans l'aile: le très médiatique milliardaire russe et patron du club de football de Chelsea, Roman Abramovitch, a déjà amené son jet privé Gulfstream 650 à Tel Aviv à la mi-mars. Son Boeing 787 Dreamliner se serait également posé en Israël.
Cela dit, Abramovitch possède la nationalité israélienne depuis quatre ans (il l'avait demandée officiellement pour pallier à des difficultés de visa au Royaume-Uni, à la suite de sanctions alors prises par Londres contre Moscou) et y réside officiellement. Ainsi, si une vague d'arrivées de Russes en Israël est bien observée actuellement, Abramovitch, lui, n'est peut-être qu'un pionnier qui a adopté cette solution avant les autres.
«Le dernier havre pour l'argent sale qui finance la guerre»
Car il y a beaucoup de mouvement dans les aéroports israéliens en ce moment. De nombreux jets privés d'oligarques auraient atterri dans divers aéroports du pays.
Les États-Unis l'ont également remarqué et en ont appelé à la conscience d'Israël, leur allié. Le gouvernement devrait bien réfléchir s'il veut devenir «le dernier havre pour l'argent sale qui finance la guerre de Poutine», a déclaré la secrétaire d'État américaine, Victoria Nuland.
Raisons géopolitiques et lourds investissements
Derrière les belles paroles du gouvernement israélien se cachent des calculs géopolitiques: le pays se trouve à proximité immédiate de la Syrie, où la guerre civile fait rage depuis des années. La Russie y contrôle l'espace aérien et autorise les Israéliens à attaquer le Hezbollah avec des avions de combat, comme l'explique «Der Spiegel». En d'autres termes: Israël ne veut en aucun cas se mettre à dos Vladimir Poutine.
Beaucoup d'oligarques bénéficient en outre d'une loi spéciale sur le retour. Celui ou celle qui a un grand-père ou une grand-mère juive ou qui est marié(e) à un juif ou une juive peut demander la nationalité. Et ce n'est pas tout: pendant les dix premières années, les oligarques n'ont pas à payer d'impôts sur leurs biens à l'étranger ni à déclarer leurs affaires. Cela vaut pour tous les nouveaux citoyens d'Israël.
Abramovitch ne se l'est pas laissé dire deux fois. Il s'est fait naturaliser en 2018, et pour montrer l'importance qu'il accorde à Israël, il fait don de millions au mémorial de l'Holocauste Yad Vashem. D'autres oligarques en ont fait de même. Plusieurs institutions ont reçu d'importantes contributions financières, des investissements réalisés dans l'économie israélienne...
(Adaptation par Jocelyn Daloz et Yvan Mulone)