Pas de bises, mais...
Le baise-main présidentiel à Brigitte Macron, ultime disruption

La vidéo a circulé intensivement sur internet après le défilé parisien du 14 juillet. Arrivant à la tribune après avoir descendu les Champs-Elysées, le président français n'a pas embrassé son épouse. Il a opté pour le baise-main. Suprême élégance ou ultime disruption?
Publié: 20.07.2022 à 13:07 heures
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Dernière mise à jour: 20.07.2022 à 13:41 heures
Brigitte et Emmanuel Macron, le couple présidentiel français.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il descend de son véhicule blindé. Il passe en revue les troupes. Les généraux sont au garde-à-vous. Le gouvernement, au complet, l'attend sur la tribune, place de la Concorde. Dans quelques heures, son entretien du 14 juillet 2022 marquera le réel début politique de son second mandat présidentiel. Emmanuel Macron est président de la République française, commandant en chef, interlocuteur malheureux mais obstiné de Vladimir Poutine. Les Français ont refusé, le 19 juin, de lui accorder une majorité de députés à l'Assemblée nationale. Le temps politique s'est un peu arrêté. Et soudain surgit, devant les caméras, un geste d'un autre âge, plus royaliste que républicain, d'une élégance que l'on imagine, jadis, à la cour de Versailles: un chef de l'État qui choisit de saluer son épouse d'un traditionnel baise-main. Avant de claquer la bise à l'une ou l'autre de ses ministres assises juste à coté...

Feu d'artifice de la politesse surannée

Le baise-main du 14 juillet! Feu d'artifice de la politesse surannée, ou ultime disruption spontanée d'un couple hors normes. Lui, né le 21 décembre 1977, vient d'être réélu, en avril. Elle, née le 13 avril 1953, flirte avec les 70 ans qu'elle atteindra l'année prochaine. Leur devise, paraît-il, est celle que l'autrice Gaël Tchakaloff a utilisée en couverture du livre qu'elle leur a récemment consacré, «Tant qu'on est tous les deux». D'accord. Mais le poids des années pèse de plus en plus lourd. L'ex-professeure de français du Lycée privé catholique La Providence, à Amiens, est la compagne de tous les instants d'un homme dans la force de l'âge, confronté au péril de la guerre aux portes de l'Europe depuis l'invasion de l'Ukraine.

Une embrassade affectueuse, lèvres contre lèvres? Déplacé. Un «hug» joue contre joue? Si banal. Le baise-main du 14 juillet rompt la norme, l'habitude, la routine. Emmanuel Macron avait déjà surpris son monde en saluant de la sorte, en marge du sommet de l'OTAN à Madrid début juillet, la reine d'Espagne Letizia. Logique. C'est de Madrid que fut importée, au début du XVIIIe siècle, cette pratique d'abord rejetée par la noblesse française, même si Louis XIV, marié en 1660 à l'infante d'Espagne pour réconcilier les deux pays après le traité des Pyrénées, en était familier. Redoutable étiquette que celle du baise-main. La femme avance sa main vers l'heureux homme qui se penche sans la frôler. Donner sa main à baiser, privilège des princesses, des reines... mais aussi des courtisanes les plus mondaines.

Torrent de galanterie

Sacrée France. Trois clics et les recettes sur l'art du baise-main remontent à la surface dans un torrent de galanterie. «Il est interdit de faire des baise-mains aux jeunes filles. Seuls les femmes mariées et d’un certain âge ont droit à ce privilège galant», rappelle le site apprendrelesbonnesmanières.com. Sauf que la transgression présidentielle du 14 juillet est avérée. En théorie, «le baise-main n’est autorisé que dans les lieux couverts, fermés et non publics… à l’exception du parvis d’une église ou d’un jardin privé. Donc en pleine rue, c’est niet.» Ah bon...

Il est vrai que cette matinée-là, plusieurs régiments français en grande tenue attendaient de descendre les Champs-Elysées. Vous rêvez, Mesdames, de ce moment de courtoisie ultime! Votre main tendue devant une forêt de képis et de médailles tandis que les avions de chasse rugissent dans le ciel et que les blindés patientent sur le bitume? Sacre de la République, ou sacre de Brigitte en première dame de France pour un second mandat élyséen?

Et si ce baise-main en disait long?

Et si ce baise-main en disait long? Possible. Jupiter, président vertical, est descendu de son piédestal politique depuis les législatives. Brigitte, conseillère toujours très écoutée par son mari, est peut être l'une des dernières à la sortir de la bulle stricte du pouvoir. A l'Elysée, sa préférence va aux affaires de la culture, ce qui explique, dit-on, la nomination de la nouvelle ministre Rima Abdul Malak. Mimi Marchand, la célèbre prêtresse des magazines et photos people hier prisée par le couple présidentiel, semble moins en vue.

Emmanuel Macron, ce président qui mise tant sur le charme, sait qu'il a impérativement besoin de prendre de la distance. Le baise-main, face à tous, face à la France, relie l'admiration, le respect en laissant entrevoir la porte de l'intimité. Louis XIV, dit la légende, le prodigua toujours à celle qui fut sa confidente coeur, Madame de Maintenon «Ce qu’il y a de certain, c’est que le roi n’a jamais eu pour aucune maîtresse la passion qu’il a pour celle-ci (ndlr: Madame de Maintenon), c’est quelque chose de curieux à voir quand ils sont ensemble», enrageait alors la princesse Palatine, l'autre mémorialiste de Versailles avec le duc de Saint-Simon.

Ultime manière de distribuer les rôles

Ultime disruption. Ultime manière de distribuer les rôles. Brigitte Macron, bientôt septuagénaire, a toujours redouté que le temps qui passe ne rattrape leur union stupéfiante aux yeux du monde entier. Le baise-main présidentiel avait ce jour-là la forme d'une réponse: la preuve galante de l'infinie reconnaissance et de la curiosité de ce prince républicain envers celle qui toujours cru en lui. L'alliance baroque de ce couple de pouvoir, pile le jour anniversaire de la prise de la Bastille et de la révolution de 1789 qui guillotinèrent tant de passions. Et continuent d'inspirer, en 2022, tant de colères françaises.

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