La pandémie de Covid-19 avait constitué un terreau fertile aux théories du complot en tous genres. Si les projecteurs des médias et des réseaux sociaux ont délaissé la menace sanitaire au profit du conflit ukrainien, le spectre des fake news est présent dans les deux dossiers.
«Fact and furious», une coalition de médias initiée par l’AFP, la fameuse Agence France Presse et soutenue notamment par Google, traque les informations erronées. Et la pêche commence à être bonne au sujet de l’Ukraine. «Les premières théories du complot ont commencé à émerger», écrit la coalition ce vendredi.
Surprise: un lien est clairement établi entre les théories conspirationnistes en matière de Covid-19 et celles circulant sur l’Ukraine. En gros, plus vous étiez enclin à croire à un complot dans le cadre de la pandémie, plus vous serez persuadé que derrière l’intervention de Vladimir Poutine se cache une intention de «faire tomber l’État profond», comme on peut le lire sur certains groupes Telegram y compris en Suisse.
«Des opportunistes»
Cette récupération est-elle étonnante? Pas vraiment, à en croire les spécialistes. Sebastian Dieguez, chercheur au Laboratoire des Sciences Cognitives et Neurologiques de l’Université de Fribourg et expert de la «post-vérité», explique à Blick que toutes les théories conspirationnistes sont liées. «Le complotisme est par nature opportuniste, c’est un phénomène qui rebondit sur l’actualité, souvent en abandonnant les théories précédentes.»
Le point commun serait la dénégation d’une parole officielle. «Il n’y a pas grand-chose d’autre que des slogans comme 'A LIRE ABSOLUMENT' ou 'CE QUE LES MÉDIAS NE VOUS DISENT PAS'», relève le scientifique. Les personnes sensibles à ces théories adopteraient, selon lui, une posture pour «tenter d’exister», quelle que soit la situation et de penser «par eux-mêmes» au lieu de faire confiance aux personnes détenant la connaissance.
Le retour de l'«État profond»
Quelles théories farfelues circulent-elles? En Suisse, parmi les groupes de «réinformation» au sujet du Covid, le rôle d’un présumé «État profond» auquel s’opposerait Vladimir Poutine est omniprésent. En France, les théories sont multiples, selon «Fact and Furious»: un groupe mené par un vidéaste complotiste adepte de «Qanon» affirme qu’il n’y a pas de guerre et que les soldats russes et ukrainiens dansent ensemble.
D’autres théories évoquent un scénario selon lequel Vladimir Poutine aurait ciblé en priorité des bio-laboratoires américains en Ukraine, ou alors que cette guerre aurait été… organisée par Emmanuel Macron pour conserver le pouvoir. «Ce conflit est aussi une guerre de l’information avec des campagnes de désinformation qui visent à manipuler l’opinion, votre opinion, rappelle de manière fondamentale le site coordonné par l’AFP. Le flux d’information actuel est si important qu’il est difficile parfois de distinguer le vrai du faux.»
Coïncidence du calendrier, le Conseil suisse de la presse a rendu ce vendredi sa décision concernant une procédure entamée par Chloé Frammery, égérie de la sphère complotiste romande, accompagnée par le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS). Les deux se plaignaient de reportages du site «Heidi. news» baptisés «Au cœur de la complosphère» et publiés à l’automne 2020. Le journaliste auteur de la série n’a pas violé les Droits et devoirs du journaliste, a décidé l’organe consultatif.