«Ne pas se marier est ma plus grande réussite»
Une influenceuse célibataire s'oppose au modèle du couple traditionnel en Corée du Sud

La Corée du Sud considère son taux de natalité très bas comme un problème d'«urgence nationale» et multiplie les incitations à procréer, mais l'influenceuse célibataire Seen Aromi encourage ses 200'000 abonnés à ne pas culpabiliser de profiter de leur vie en solo.
Publié: 03.07.2024 à 09:58 heures
«Ne pas se marier est ma plus grande réussite», affirme la femme de 37 ans, à l'AFP, précisant qu'elle n'a jamais considéré le fait de devenir une «bonne» épouse ou mère comme le but de sa vie.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

La Corée du Sud considère son taux de natalité très bas comme un problème d'«urgence nationale» et multiplie les incitations à procréer, mais une influenceuse vante à l'inverse les délices de la vie de célibataire. Dans sa maison paisible de la campagne sud-coréenne, Seen Aromi pratique le yoga, fait la grasse matinée et encourage ses plus de 200.000 abonnés sur YouTube à ne pas se sentir coupables de profiter de leur vie en solo.

«Ne pas se marier est ma plus grande réussite», affirme la femme de 37 ans, à l'AFP, précisant qu'elle n'a jamais considéré le fait de devenir une «bonne» épouse ou mère comme le but de sa vie. On dit que c'est un «désastre» que les femmes n'aient pas d'enfants en Corée du Sud, dit-elle. Ce pays affiche en effet le taux de natalité le plus bas du monde et une population qui vieillit rapidement.

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«Si certains se marient parce qu'ils n'aiment pas être seuls, d'autres choisissent de ne rencontrer personne simplement parce qu'ils aiment se prélasser»
Seen Aromi
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«Mais quand je pense aux inconvénients potentiels à ne pas avoir d'enfants, je n'en vois aucun.» Elle a raconté sa joie à se soustraire aux attentes de la société et à jouir de sa vie de célibataire dans un livre, «Je ne peux pas m'empêcher de bien vivre seule», qui a connu un succès inattendu.

Brièvement en tête des ventes en Corée du Sud, il a suscité l'enthousiasme non seulement d'autres femmes trentenaires célibataires, mais aussi d'une génération plus âgée, notamment de veuves ou de divorcées. Dans son livre, elle se réjouit d'avoir «la liberté d'être aussi paresseuse (qu'elle) le souhaite» sans subir de critiques. «Si certains se marient parce qu'ils n'aiment pas être seuls, d'autres choisissent de ne rencontrer personne simplement parce qu'ils aiment se prélasser», écrit-elle.

Un bonheur authentique opposé aux normes

Selon des experts, de nombreux jeunes Coréens renoncent au mariage et aux enfants, en partie pour des raisons économiques, sur fond de stagnation de la croissance, de flambée des prix de l'immobilier à Séoul et de concurrence intense pour les meilleurs emplois. D'autres affirment que des facteurs culturels plus larges sont en jeu.

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«Les attentes traditionnelles sur le rôle des hommes et des femmes dans le domaine familial, ainsi que les tensions entre les sexes, sont certainement liées au faible taux de natalité actuel»
Hyeyoung Woo
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La Corée du Sud reste un pays socialement conservateur où la monoparentalité est mal vue, le mariage homosexuel n'est pas reconnu et les femmes mariées finissent souvent par quitter le marché du travail. Elles consacrent en moyenne 3,5 fois plus de temps par jour aux tâches ménagères et à la garde des enfants que leurs conjoints masculins.

«Les attentes traditionnelles sur le rôle des hommes et des femmes dans le domaine familial, ainsi que les tensions entre les sexes, sont certainement liées au faible taux de natalité actuel», indique à l'AFP Hyeyoung Woo, professeur de sociologie à l'université de Portland.

Renoncer aux symboles de la réussite

Pour la youtubeuse, le fait de renoncer aux symboles de la réussite – un appartement à Séoul, un emploi bien rémunéré, un conjoint aimant – lui a permis de trouver un authentique bonheur. «Je n'ai jamais travaillé pour un grand conglomérat, je ne vis pas en ville et je n'ai jamais été mariée», explique-t-elle à l'AFP. Elle décrit son expérience de vie à Séoul comme une période misérable, avec des trajets épuisants et un travail stressant.

Après avoir vécu à l'étranger pendant des années, avec des emplois allant de femme de ménage dans un hôtel à conditionneuse de viande dans une usine de poulets, et publié des vidéos en ligne sur sa vie, elle est rentrée en Corée du Sud et s'est installée dans une ville rurale. Elle a rénové une vieille maison familiale puis y a emmenagé, et a alimenté sa chaîne YouTube, qui a fini par compter plus de 200'000 abonnés.

Ses vidéos traitent de sujets aussi variés que la vie en solitaire, les voyages, le fitness et le yoga. Une seule vidéo sur YouTube lui rapporte aujourd'hui cinq fois plus que ce qu'elle touchait par mois en travaillant à Séoul, et elle peut «mener une vie beaucoup plus autonome, ce qui est extrêmement satisfaisant», dit-elle.

Accusée d'être seule ou «égoïste»

Ses messages sur les réseaux sociaux vantant la vie de célibataire ont cependant suscité des attaques. Certains internautes rétorquent qu'en réalité, Seen Aromi doit se sentir seule ou la qualifient d'«égoïste» parce qu'elle ne s'est pas mariée.

Elle affirme avoir eu plusieurs relations épanouissantes, mais que son autonomie et son mode de vie sont sa priorité absolue. Le succès de son livre montre que l'on peut «être la meilleure dans un domaine même si l'on mène une vie atypique», déclare-t-elle.

La plupart des couples qui ont des enfants le font parce que cela les rend heureux, et les personnes qui vivent seules font également des choix pour leur bonheur, qui devraient être respectés, estime-t-elle. Si d'autres ont des enfants, la célibataire épanouie se dit fière de ses contributions en ayant «donné naissance à deux chaînes YouTube et à un livre». 

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