Massacre à Gaza
A Rafah, l'armée israélienne se bat plus que jamais contre l'opinion mondiale

Dernier sanctuaire du Hamas dans la bande de Gaza, la ville de Rafah est l'ultime refuge pour plus d'un million de palestiniens. En l'attaquant, l'armée israelienne défie tous ceux qui l'accusent de massacrer les civils.
Publié: 13.02.2024 à 16:29 heures
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Alors que les forces israéliennes avancent vers Rafah, les inquiétudes grandissent concernant la région de Mawasi, où 1,4 million de Palestiniens devraient être confinés.
Photo: Anadolu via Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Quels mots utiliser? Quels termes employer pour désigner les souffrances de la population de Gaza, agglutinée en grande partie dans la partie sud du territoire et dans la ville de Rafah, frontalière de l’Égypte, que l’armée israélienne a décidé d’attaquer?

A Genève ce mardi 13 février, l’Italo-Suisse Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA, l’agence onusienne d’aide aux Palestiniens, s’est dit «très préoccupé». Des mots très diplomatiques, de la part d’un homme dont l’organisation est dénoncée par Israël comme complice actif du Hamas, et dont le financement est aujourd’hui en péril suite à la décision de dix pays (dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la France, la Finlande, les États-Unis, l’Australie et le Canada) de lui couper les vivres en début d’année.

L’UNRWA, démunie face à l’offensive annoncée des soldats de Tsahal, depuis que douze de ses employés sont accusés d’avoir aidé le Hamas lors de l’assaut du 7 octobre contre l’État hébreu: tel est le résumé de la situation à Rafah, où le gouvernement de Benjamin Netanyahu a décidé d’aller de l’avant coûte que coûte, quitte à se confronter à l’opinion publique mondiale.

Le corridor de Philadelphie

Rafah: un nom pour trois guerres. Au sud de la bande de Gaza, adossée au fameux «corridor de Philadelphie», la route «no man’s land» de treize kilomètres de long contrôlée par l’Égypte qu’Israël veut aujourd’hui reprendre, la ville palestinienne est d’abord le symbole du désespoir de la population civile prise en otage depuis le 7 octobre entre le Hamas et les forces israéliennes. 

C’est la première guerre, celle qui transforme ce million et demi de personnes suspendues à l’aide internationale en chair à canon, susceptible d’être à tout moment pulvérisée par un obus ou un tir de mitrailleuses. Le Haut représentant pour les Affaires étrangères de l’Union européenne (UE), l’Espagnol Josep Borrell, a eu raison de dire, avec courage, que l’offensive annoncée de Tsahal nous conduit tous encore plus au bord du précipice. Où les Israéliens veulent-ils expulser les Palestiniens? Sur la Lune, a-t-il déploré. Tout est dit. Cette guerre asymétrique ne conduit aujourd’hui qu’à un affreux carnage humain.

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Une guerre tactique

La seconde guerre de Rafah est tactique. C’est celle que l’État-Major israélien estime indispensable de mener pour en finir avec le Hamas, ses tunnels, son organisation clandestine et ses moyens militaires. «Logique, implacable, indispensable, estime le Colonel Michel Goya, consultant militaire français. La guerre de Gaza ne peut pas être gagnée par Tsahal sans avoir nettoyé Rafah. On le savait depuis le début. Cette bataille de rues est celle que les militaires israéliens veulent mener pour pouvoir dire haut et fort: nos objectifs ont été atteints.» 

Le bilan civil palestinien, dans cette équation, ne pèse rien. Près de 30'000 personnes sont mortes dans le territoire depuis le début d’un siège israélien, selon le Hamas. Face aux 1139 tués par les commandos palestiniens le 7 octobre, et aux 240 otages, dont 130 seraient encore détenus. Preuve de la détermination israélienne, le raid conduit ce lundi 12 février pour libérer deux otages aurait fait plus d’une dizaine de morts à Rafah.

Une guerre diplomatique

La troisième guerre de Rafah est politique et diplomatique. C’est sans doute son volet le plus explosif. Il s’agit pour le Premier ministre israélien d’afficher sa supériorité et son dédain pour ses alliés, y compris les États-Unis, alors que plusieurs pays, dont la Chine, s’activent pour poser les termes d’une trêve possible. 

Netanyahu sait que son sort personnel dépend de cette guerre. Il veut la poursuivre par tous les moyens. Il veut récupérer, pour Israël, le contrôle entier de Gaza. Il pense que l’Égypte ne réagira pas. Il pense que Joe Biden – qui l’aurait traité de «connard» lors d’une conversation téléphonique – n’a pas les moyens de le forcer à négocier. Il attend l’élection, en novembre, de Donald Trump. Rafah est la bataille qui doit prouver, pour «Bibi», la supériorité israélienne et la capacité de l’État hébreu à résister à toutes les pressions. Qu’importe, donc, d’avoir le monde entier contre soi.

Ces trois guerres de Rafah sont celles dont Netanyahu, surtout, a besoin pour survivre politiquement. Elles sont le produit de l’idéologie d’extrême droite qui domine son gouvernement, et le résultat d’une volonté claire d’exterminer ou de déporter d’une façon ou d’une autre les Palestiniens de Gaza. Rafah n’est pas qu’une bataille. C’est le dernier verrou que Tsahal veut faire sauter pour le peuple palestinien de Gaza, privé de tout, n’ait plus qu’une solution: disparaître d’une terre qui est pourtant la sienne.

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