Les stars américaines en colère
La grève à Hollywood prive la Mostra de Venise de ses paillettes

Victime de la grève à Hollywood, la 80e Mostra de Venise devra se passer, cette année, des grandes têtes d'affiche américaines. Une production italienne remplace la projection américaine initialement prévue.
Publié: 30.08.2023 à 21:53 heures
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Dernière mise à jour: 30.08.2023 à 21:54 heures
C'est le président du jury Damien Chazelle qui a donné le coup d'envoi officiel du festival.
Photo: CLAUDIO ONORATI

En raison de la grève à Hollywood, la 80e Mostra de Venise s'est ouverte mercredi soir sans stars ni paillettes. Un film italien a remplacé au pied levé la production américaine initialement prévue. C'est le président du jury Damien Chazelle, dont les films «La La Land» (2016) et «First Man» (2018) ont fait l'ouverture en grande pompe du festival, qui a donné son coup d'envoi officiel, tout en étant lui-même un fervent soutien de la grève, un sujet sur toutes les bouches à Venise. «Toute oeuvre d'art a une valeur en soi et n'est pas juste un contenu - un mot très vogue à Hollywood en ce moment - pour alimenter un tuyau», a ainsi estimé lors d'une conférence de presse le cinéaste, qui arborait un T-shirt de soutien au mouvement. «L'art passe avant les contenus», a-t-il insisté.

Un tapis rouge très italien

La Mostra est le premier grand festival mondial à faire les frais de la grève des scénaristes américains, rejoints par les acteurs, qui demandent une meilleure rémunération et un encadrement de l'intelligence artificielle. Leur puissant syndicat, le SAG-AFTRA, interdit à ses membres de tourner mais aussi de participer à la promotion des films. Ainsi, la nouvelle coqueluche d'Hollywood Zendaya devait inaugurer la Mostra avec «Challengers» de Luca Guadagnino, mais le mouvement social américain en a décidé autrement. Le film a été remplacé par une production italienne, «Comandante», sur un épisode méconnu du début de la Seconde Guerre mondiale.

Privée de ses stars américaines, la cérémonie d'ouverture au palais du cinéma, sur le Lido, a dû se contenter d'un tapis rouge très italo-italien, mais a été touchée par un moment de grâce lorsque Charlotte Rampling a remis un Lion d'or d'honneur à la cinéaste italienne Liliana Cavani, auteure du sulfureux «Portier de nuit». Dans un hommage émouvant à la réalisatrice de 90 ans, l'actrice britannique, qui incarnait dans ce film sorti en 1974 une rescapée des camps de concentration ayant une relation avec son ex-tortionnaire, a rappelé comment Cavani, à travers cet «électrochoc», avait «exploré les recoins les plus sombres de l'âme humaine». Liliana Cavani, émue, a profité de sa tribune pour réclamer davantage «d'équilibre» entre hommes et femmes dans le cinéma. «Il y a des femmes, des scénaristes, des réalisatrices, qui travaillent aussi bien que les hommes», a-t-elle glissé dans un sourire.

Jeudi, «Ferrari» de Michael Mann sera l'un des évènements de la compétition. Ce biopic du fondateur de la marque bénéficie d'une dérogation qui permet à son protagoniste Adam Driver d'être présent. Il faudra par contre se passer de Bradley Cooper, en lice à la fois comme réalisateur et acteur pour «Maestro», un biopic du compositeur américain Leonard Bernstein. Egalement en lice pour le Lion d'Or, remporté l'an dernier par la documentariste Laura Poitras ("Toute la beauté et le sang versé"), David Fincher et Sofia Coppola. Côté suisse, deux co-productions helvétiques sont en compétition internationale lors du festival. Quatre autres films courent dans différentes catégories ou hors compétition.

Retour de cinéastes controversés

Cette édition se distingue aussi par le retour de cinéastes mis en cause dans des affaires d'agressions sexuelles, qu'ils contestent. Parmi eux, Roman Polanski, 90 ans, vit en Europe à l'abri de la justice américaine qu'il fuit depuis plus de 40 ans après une condamnation pour des relations sexuelles illégales avec une mineure. Persona non grata à Hollywood, le réalisateur de «Rosemary's baby» a vu sa situation basculer en France depuis la polémique autour du César de la réalisation obtenu en 2020, alors qu'il était visé par de nouvelles accusations d'agressions sexuelles. Il est désormais considéré par une large partie de la profession comme l'un des symboles d'une certaine impunité. La Mostra le remet en lumière avec «The Palace», présenté hors compétition. Polanski n'a toutefois pas prévu de venir à Venise.

Woody Allen, lui, a vu la quasi-totalité de l'industrie lui tourner le dos après des accusations d'agression sexuelle de sa fille adoptive, qu'il nie et pour lesquelles aucune enquête n'a abouti. Il présentera hors compétition son 50e film, «Coup de chance», tourné à Paris avec des acteurs français. «Il faut de toute façon faire la distinction entre l'homme et l'artiste. L'histoire de l'art est pleine d'artistes qui étaient des criminels et, pourtant, nous continuons à admirer leurs oeuvres», a estimé le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, interrogé par l'AFP.

La sélection de 23 films compte cinq femmes pour 19 hommes en lice pour le Lion d'Or, décerné le 9 septembre et qui a été remporté par des réalisatrices ces trois dernières années.

(ATS)

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